Bilan de santé d'un campus qui conjugue atmosphère familiale et vocation internationale avec Jean-Luc Gurtner, Vice-recteur en charge de l'enseignement.
Quel est le bilan de santé de l'Université de Fribourg (UNIFR)? Globalement, on peut dire qu'il est réjouissant. L'UNIFR a digéré la réforme de Bologne et les choses sont bien en place. Le nombre de nouveaux étudiants, notamment dans les masters, ne cesse de croître d'année en année. Les professeurs qui étaient un peu submergés par la transition disposent maintenant de plus de temps pour se consacrer à la recherche. Ces dernières années, le nombre de projets de recherche augmente d'ailleurs de manière significative. |
Parlez-nous des principales nouveautés qui marquent l'actualité de votre campus...
Le bachelor en médecine constitue la nouveauté phare. L'introduction de la 3e année de médecine permet aux étudiants qui ont débuté à Fribourg - soit plus d'une centaine par année - d'y terminer leur bachelor. Ainsi, ils ne sont pas lâchés en milieu de cursus. Au chapitre des nouveautés, l'UNIFR a également développé son programme commun de master en informatique avec Berne et Neuchâtel et lancé de nouveaux masters en sport et en didactique des langues étrangères. Ce dernier représente un créneau solide pour l'UNIFR qui a par ailleurs, en collaboration avec la HEP Fribourg, implanté le Centre national de compétences de plurilinguisme dans l'Institut du même nom. Enfin, l'UNIFR continue d'affiner sa formation complémentaire «bilingue plus», laquelle permet aux étudiants d'approfondir leurs connaissances linguistiques dans la langue partenaire mais aussi le vocabulaire spécifique à leur domaine. L'UNIFR confirme par là son ambition de former des bilingues opérationnels.
A l'inverse de ses consoeurs lémaniques, l'UNIFR a su conserver une atmosphère familiale. Comment l'expliquez- vous?
Cela tient essentiellement à sa volonté d'établir une grande proximité entre les professeurs, les étudiants et les collaborateurs scientifiques. Les bureaux sont accessibles et facilement repérables. L'UNIFR s'efforce de conserver une taille humaine et de trouver des alternatives aux grands cours avec 500 ou 600 étudiants. Tout est mis en oeuvre pour faciliter les contacts et pour que les barrières tombent entre les professeurs et les étudiants. La situation du campus au coeur de la ville - dont la population compte ¼ d'étudiants - contribue également à donner ce caractère familial.
Etre la seule université bilingue de Suisse constitue certes une plus-value, mais cela doit également générer son lot de contraintes organisationnelles...
Il est vrai que pour les domaines où l'UNIFR propose un double cursus français-allemand, il faut disposer de plus de professeurs. Cela engendre bien entendu quelques inconvénients au niveau de l'organisation. C'est en revanche très enrichissant pour les étudiants qui peuvent ainsi, s'ils le souhaitent, se confronter simultanément à des approches différentes d'un même objet. Cette diversité les amène à prendre du recul sur leur discipline et leur confère un avantage incontestable sur le marché du travail. C'est dans cette même perspective que l'UNIFR a développé un centre de langue performant et qu'elle propose des programmes permettant de créer des tandems entre des étudiants issus d'une même discipline mais des programmes de l'autre langue.
Les universités tendent à resserrer les liens avec les entreprises. Est-ce une réalité pour l'UNIFR?
C'est ce que l'on appelle un partenariat public privé. De plus en plus, les hautes écoles et les universités se lancent dans la recherche de fonds. La conduite d'une entreprise telle qu'une université est terriblement coûteuse et les financements publics sont forcément limités. L'UNIFR ne peut à l'heure actuelle se contenter de vivre sur la base de ces seuls apports financiers.
Certains y voient une dérive vers le modèle américain et une menace envers l'indépendance des chercheurs. Qu'en pensez- vous?
L'UNIFR cherche moins à négocier des mandats de recherche avec les entreprises qu'à les inviter à soutenir la mise en place de programmes. Un exemple éloquent est celui de la Banque Cantonale de Fribourg qui a sponsorisé la Chaire de psychologie du sport pour permettre à l'UNIFR d'ouvrir un master en sport. Cette démarche s'inscrivait dans la politique de la banque qui consiste à favoriser le développement du sport à Fribourg. Au même titre, «bilingue plus» pourrait être sponsorisé par des entreprises qui ont besoin de collaborateurs bilingues. L'indépendance de l'Université n'est pas menacée lorsqu'il s'agit de l'aider dans sa mission de formation.
Est-ce une fierté pour votre institution de voir l'un de ses anciens collaborateurs prendre la présidence de l'ONU?
C'est évidemment un sujet de grande fierté. Il ne s'agit pas de n'importe quel collaborateur dans n'importe quel secteur. Tant Mr. Deiss que le poste qu'il occupe au sein de l'ONU cadrent avec l'image et le profil de l'UNIFR. Cet esprit de dialogue et cette volonté d'ouverture à la diversité font également partie de sa charte.
Sur le plan national, quelle est votre stratégie pour assurer une bonne crédibilité?
L'UNIFR mène une politique de qualité. Un ensemble de mesures sont prises pour contrôler régulièrement la qualité de l'enseignement. A ce titre, l'UNIFR est la seule université à disposer d'un professeur de didactique universitaire qui aide les collaborateurs scientifiques à améliorer leur enseignement. Les exigences imposées aux commissions de recrutement des professeurs sont par ailleurs très élevées. Toute mise au concours doit être diffusée à l'échelle internationale et les candidats retenus sont tenus d'avoir à leur actif des expériences d'enseignement et de recherche à l'étranger. La crédibilité passe aussi par le dialogue avec les étudiants - actuels et anciens. Des enquêtes sont menées auprès d'eux pour évaluer leur degré de satisfaction. Adapter son offre pour que ses diplômés soient toujours crédibles sur le marché de l'emploi, c'est le souci permanent de l'UNIFR.
Et sur le plan international?
Le rectorat stimule la mise en place de conventions avec d'autres universités pour permettre des échanges temporaires d'étudiants, mais aussi de collaborateurs et de professeurs. Il favorise également l'intégration de groupes de recherche fribourgeois dans des réseaux internationaux et pousse les professeurs à publier dans des revues internationalement reconnues. Au niveau des effectifs, de plus en plus d'étudiants étrangers sont séduits par l'offre de masters de l'UNIFR.
De plus en plus d'étudiants rencontrent des difficultés d'insertion professionnelle. Comment l'UNIFR se positionne-t-elle face à ces perspectives nébuleuses?
Cela concerne surtout certaines filières qui sont moins profilées. Ce n'est toutefois pas une raison de perdre confiance envers les universités, car elles s'efforcent d'offrir des formations solides et reconnues par les milieux professionnels. Au final,la probabilité de trouver un emploi demeure très grande, même s'il n'est pas toujours possible de s'insérer directement après le diplôme. Il faut rappeler à ce propos que la mission de l'université ne consiste pas à faire du prêt à l'emploi. Plus que le savoirfaire, elle inculque surtout la créativité, la réflexion, la capacité d'analyse et la prise de recul. Dans cette optique, l'UNIFR donne également beaucoup d'importance aux compétences transversales, c'est-à-dire aux capacités de rédaction, de synthèse, de communication ou encore linguistiques. Sachant que tous les cours de toutes les facultés sont ouverts aux étudiants, ils ont qui plus est la possibilité d'accéder à une large palette d'éléments de formations complémentaires. Lorsqu'il parcourt un CV, un employeur s'attardera moins sur le diplôme, considéré comme acquis, que sur les compétences développées en marge. C'est l'une des raisons qui pousse l'UNIFR à s'opposer à la limitation de la durée des études, bien que cela puisse paraître anachronique. La qualité de la formation universitaire englobe également tout ce qu'il est possible de développer en parallèle: emploi à temps partiel, développements personnels, réseau, etc. Au contraire des autres universités, l'UNIFR postule qu'un étudiant qui prend plus de temps, à condition qu'il ne s'égare pas, est en train de s'enrichir.
Quel est à moyen terme le principal défi qui attend l'UNIFR?
On assiste à l'essor des formations à la carte, spécialisées dans des aspects spécifiques et rapidement qualifiantes. Ce phénomène va à l'encontre de la conception de l'UNIFR. Ces formations écourtées assurent certes une place dans une entreprise, mais elles ne permettent pas de «maturer» l'étudiant et le rendent rapidement inopérant dès que les conditions changent. Le parcours bachelor + master, forcément long, permet toutefois à l'étudiant de combiner des branches variées et d'acquérir beaucoup plus que la simple maîtrise d'une discipline. L'un des principaux défis consiste donc à continuer d'intéresser une jeunesse qui vit dans un monde de l'immédiateté.
Avez-vous un mot pour les étudiants de votre université?
N'oubliez jamais de regarder autour de vous et d'utiliser toutes les possibilités que l'université vous offre pour vous ouvrir à la diversité des autres et à la diversité des spécialités. Essayez de nourrir votre personnalité dans la pluralité plutôt que dans la spécialisation outrancière.
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