Carlos Santana, l'homme qui fait pleurer sa guitare, nous l'avons rencontré et te livrons ses messages de paix. Mais tout d'abord, nous nous arrêtons sur ses rêves de musicien qui se sont réalisés cet été sur les bords du Léman. 2 ans après son premier projet, le Montreux Jazz Festival lui donne à nouveau carte blanche pour 3 nuits magiques, uniques,... inoubliables. Des soirées «musiques du monde» autour de l'Afrique, du blues et du répertoire de l'artiste.
Parole tout d'abord au maître de cérémonie qui lève enfin le voile sur ses rêves!
Carlos Santana: J'aime les rêves et je suis un rêveur et nous avons rêvé de ça. J'ai eu l'idée de travailler avec la musique que j'aime le plus. La musique africaine, et inviter tous mes amis, mes soeurs et frères. Nous voulions également honorer le blues, c'est pour cela que nous avons créé les soirées Dance to the beat of my drum, My blues is deep et une petite surprise avec la soirée Santana Night avec Draco, Eagle-Eye Cherry, Beverly Night and Tower of Power. Je me suis marié, il y a 33 ans et j'ai rencontré ma femme au concert de Tower of Power, c'est quelque chose de spécial pour moi. Mais avant tout, j'aimerais remercier Dieu qui nous a permis de réaliser ce projet. Il ne faut pas oublier Claude Nobs, car uniquement lui pouvait faire un truc pareil. Claude et Michaela sont uniques. Peu d'autres personnes peuvent contribuer à organiser ce genre d'événements avec brio.
Où avez-vous découvert tous ces rythmes et harmonies de la musique africaine?
J'ai découvert la musique africaine quand je suis arrivé à San Francisco. Je suis né à Mexico, j'ai été élevé à Tijuana. A Tijuana, j'ai beaucoup appris des musiciens ‘latinos' comme Reva Reto, Tito Puente. En même temps j'appréciai John Lee Hooker, Jimmy Reed et BB King, c'est comme avoir du beurre de cacahouète dans du chocolat et mettre tout ça ensemble. Et c'est pour cela que Santana à Woodstock était différent que simplement le blues. Parce qu'à l'époque Cream, Jimmi Hendrix et Led Zeppelin jouaient juste un peu plus fort. La première chose que nous avons su était que les femmes réagissaient différemment à cette musique, leurs manières de danser étaient différentes et c'était le secret ! La mélodie c'est la femme, le rythme c'est l'homme. Nous apprenions naturellement tous les jours de cette musique. C'est la balance entre la mélodie et le rythme.
Votre premier groupe s'appelait Santana Blues Band en 1968-1969, mais vous avez changé de nom quand vous vous êtes plus dirigé vers des rythmes Sud Américains avec des congas-maracas.
Oui, nous avions découvert toute cette musique ainsi que Reva Reto et Tito Puente. J'aime toujours la sensation du blues comme BB King mais je suis très content avec la musique africaine, c'est une musique que les gens apprécient. J'ai vu pleurer des gens en Espagne, à Jérusalem, au Japon ou à n'importe quel autre endroit où je jouais. Dans un premier temps, ils pleurent, ensuite rient et finissent par danser. C'est le secret d'être en vie! Le monde a de la fièvre, de la rage et de la peur mais personnellement le plus gros désastre est George Bush! Je pense que les meilleurs remèdes sont la joie, l'amour et la compassion. Autour de nos projets, nous amenons la musique au niveau de l'unité, l'harmonie parce que le monde en a besoin. Nous rassemblons notre musique pour amener de la joie. Le contraire de la peur est la joie.
Avec votre femme, vous avez également créé une fantastique organisation. Pouvez-vous nous en dire plus?
Vous n'imaginez pas notre bonheur de pouvoir donner de l'argent dans les différentes régions du monde que nous traversons. Cela me procure beaucoup de joie et de satisfaction de savoir que chaque CD vendu pourra aider des jeunes femmes et des enfants. Dans les pays pauvres, il y a beaucoup de femmes qui tombent enceintes très jeunes. Nous les aidons à se former, par exemple, à utiliser un ordinateur. Comme ça elles n'ont pas besoin de vendre leurs corps pour de la drogue ou donner à manger à leurs bébés. Nous investissons notre argent dans l'éducation, en donnant les instruments nécessaires pour qu'elles aient un meilleur choix de vie.
Revenons à la musique, comment John Coltrane et Miles Davis vous ont influencé dans votre manière d'écrire ou de jouer?
Je me sens en accord avec leurs principes. Dans 500 ans on entendra la musique des années, 70, 80, 2000, etc... et ça sera comme des hymnes qui apportent l'unité. Marvin Gay, Bob Dylan and Jimi Hendrix, je les adore. Et quelque fois j'entends dire «Hey, joue pour moi» Ça fait du bien de pouvoir les représenter et spécialement les femmes comme Mahalia Jackson et je pense que ça fonctionne. Et lorsque dans mes concerts, tu peux voir les enfants, les jeunes, les parents et les grands-parents, ... c'est le plus beau compliment que tu peux attendre du public. De voir toute la famille comme le «Cirque du Soleil». J'adore voir toutes les générations confondues rassemblées.
Comment et quand avez-vous trouvé ce fabuleux son de guitare qui fait que l'on vous reconnaît dès les premières notes?
Quelqu'un m'a dit un jour que c'était très difficile d'avoir son propre son et que seulement peu de personne y arrivait. Mais je ne suis pas d'accord! Tout le monde est né avec sa propre identité. Si tu veux développer ton propre son comme je l'ai fait, il faut aller dans une pièce et éteindre toutes les lumières et travailler sur ton son, en oubliant des artistes comme BB King, George Benson en essayant de trouver ton propre son. C'est comme peler une banane, comme un bébé quand il gémit ou comme les adultes quand ils font l'amour «Hum, Hum, Hum,...» ou manger du chocolat ou de la glace! Ce n'est pas comme un micro-onde ou un frigo. C'est humain et tout le monde en a. J'ai appris de tout le monde mais j'ai appris à travailler sur mon propre son. Aux gens de travailler sur leur son, en le personnalisant, en éteignant la télévision et la radio. Ne pas être paresseux.
Et pourtant quand vous avez commencé à jouer de la guitare il n'y avait pas de son produit par ordinateur, ni synthétiseur,... |
Mais comment faites-vous pour ouvrir votre coeur chaque soir au public ainsi que dans votre vie de tous les jours?
J'ai été entraîné par mes parents! Si tu as un complexe de supériorité ou d'infériorité tu ne peux pas jouer comme tu devrais. Par exemple jouer dans une coupe du monde c'est gagner ou perdre. La musique ce n'est pas ça. La musique est un complément et non pas une compétition. Je n'ai aucun problème à écouter tous les musiciens. Quand je vais en studio comme avec MJ Blidge ou Eagle- Eye Cherry, je fais de mon mieux pour les faire ressortir avec qualité et à chaque fois ils me réinvitent. (rires) Les nouveaux artistes, je les vois et je me vois. J'ai commencé à Tijuana et San Francisco, mais je suis toujours la même personne. Sauf que le chapeau est devenu très grand.
Comment découvrez-vous tous ces artistes qui vous accompagnent lors de vos soirées?
Quand nous avons écouté plus tôt dans l'année des enregistrements de groupes et d'artistes d'Afrique inconnus, je me demandais où Claude Nobs s'était procuré ces enregistrements, où il avait eu ces informations. C'est vraiment unique d'avoir cette ouverture d'esprit et se diriger vers un mixe de rythmes pas uniquement africains, mais également vers des sons et des rythmes d'Amérique du Sud, de Cuba, d'Argentine et du Brésil. Pour finir, j'aimerais vous inviter à comprendre mes rêves quelles que soient vos attentions, vos devises. Mon premier rêve est que l'eau, la nourriture et l'éducation soient gratuites en Afrique, Amérique du Sud, en Inde et partout dans le monde. Le dernier serait que les femmes et les hommes soient égaux à travers le monde parce que ça serait le début de la paix sur cette belle planète. Et là vous verriez la différence entre l'amour pour le pouvoir et la puissance de l'amour. Par rapport au ‘Da Vinci Code', j'ai dit à des gens à Milan: qu'est-ce que ça peut faire si Jésus était marié à Marie ça ne fait pas leurs enfants meilleurs que vous ou moi. Prenez le temps de laisser vos yeux ouverts et que l'ange bénisse chacun de vous dans votre propre lumière et votre ADN. Et tout sera en paix.