La vie privée sur Internet prend des allures de no man’s land. En théorie, on a des droits, mais avec la loi sur le renseignement, passée en septembre dernier, le web ressemble de plus en plus à un moyen de surveillance acéré. Me Sébastien Fanti, préposé à la protection des données et à la transparence dans le Canton du Valais, a accepté de répondre à nos questions.
Au niveau fédéral, il y a la loi fédérale sur la protection des données et son ordonnance d’application. Ensuite, sur le plan cantonal, chaque canton a ses normes légales qu’il applique, soit sur la base de lois comprenant aussi bien la protection des données et la transparence soit d’autres qui les distinguent. Précisons que les privés relèvent du droit fédéral, tandis que les collectivités publiques sont régies selon leur appartenance fédérale ou cantonale par le droit correspondant.
Il y a plusieurs éléments : premièrement lors de l’inscription sur ces sites vous vous soumettez à un droit étranger et généralement à un tribunal étranger ; et deuxièmement personne n’a les moyens d’intenter des procès à ces géants du web en dépensant des dizaines de milliers de francs. La possibilité d’avoir des « class action », c’est-à-dire de créer un groupe de plaignants pour faire valoir leurs droits ça diminuerait les coûts et ça augmenterait le nombre de personnes qui porteraient plainte, mais ça n’existe pas en Suisse.
Tous deux figurent dans le code civil. Le droit à l’image vise à protéger les citoyens lorsqu’on diffuse du contenu sans leur accord préalable. Le droit de réponse lui est un droit fondamental qui remet le débat dans un équilibre, puisqu’il permet de se déterminer par rapport aux allégations émises par un tiers à son égard.
Elle correspond à une extension du champ d’application et d’investigation des services secrets ; cela se traduit par des possibilités techniques d’investigation accrues. Pour ma part, c’est en définitive un chèque en blanc donné aux services de renseignement puisque les garde-fous qui ont été implémentés ne sont pas suffisants pour garantir aux citoyens que leurs données ne soient pas collectées à tort.
J’en suis un exemple. Dans un cadre privé, j’ai envoyé des chocolats à un ami qui travaille pour le premier ministre français et pour ce faire j’ai été fiché. Cela prouve bien que cette loi vise une surveillance massive.
Oui, c’est absolument nécessaire, mais le problème est avant tout politique, pas juridique. Dans un état comme l’Allemagne où le gouvernement a dit à Facebook « maintenant vous êtes obligé de vous soumettre à notre droit sinon vous ne pouvez pas exercer votre activité chez nous », et bien Facebook s’est soumis. En définitive, c’est le Conseil Fédéral et les parlementaires fédéraux qui manquent de courage dans leurs prises de position relatives au numérique. Si ce courage existait, nous aurions un régime qui serait beaucoup plus favorable aux citoyens.
C’est la possibilité, un jour, en raison d’une investigation, de subir une intrusion dans son matériel informatique ou dans son téléphone. L’internaute lambda n’est pas à l’abri, il est temps pour lui de sécuriser et de protéger ses communications.
Absolument. D’ailleurs, cela va provoquer de grandes difficultés pour la Police. Avec l’adoption de cette loi, elle risque fort de se retrouver devant de plus en plus d’ordinateurs saisis qui sont cryptés ou autres. Au final, ce n’est certainement pas un plus pour la justice ordinaire.
Un agenda numérique a pour but de formaliser les investissements dans un domaine que l’on considère comme stratégique. Pour l’instant, il n’en existe pas en Suisse, on laisse le choix aux sociétés privées d’investir ou non dans ce domaine.
Le problème est que les entreprises privées d’aujourd’hui luttent contre des géants partiellement financés par leur état, à leurs débuts. Si on veut avoir des sociétés suisses avec des produits suisses, et bien il faut leur donner un coup de main, ne serait-ce que d’un point de vue fiscal et ça, ce n’est pas le cas aujourd’hui. Ça va être le cas, mais ce n’est pas encore suffisant.
Absolument. Nos enfants sont totalement inadaptés par rapport au monde qui les entoure, quel intérêt de leur apprendre Word, alors que la reconnaissance vocale va prendre le pas sur tout le reste. C’est complétement absurde.
On parle souvent de Silicon Valley Suisse, mais c’est un leurre ! Elle n’existe pas. On essaye de la développer, mais nos moyens sont limités de par la taille du pays, le nombre d’habitants et l’absence de soutien gouvernemental réel. Il y a bien des entreprises qui sont soutenues, mais ce n’est pas suffisant. Concrètement mis à part Logitech, je ne vois pas quelles sont les sociétés suisses aujourd’hui leaders mondiaux dans leur marché.
Le pire est l’éducation numérique. Parce que, justement, il n’y a pas de programme de formation de qualité. Pour un pays comme la Suisse, si on veut être dans le top mondial, il faut figurer dans les 10 meilleurs et non les 100 meilleurs, comme c’est le cas de nos deux écoles polytechniques.
Parce que c’est rébarbatif. Il faut avoir une culture et des connaissances en numérique qu’ils n’ont pas. Sans ces bases, c’est compliqué.
Un conseil simple : tout ce qui est diffusé est public, donc vous devez être prêt à en assumer les conséquences.