Tu as manqué le dernier noctambus un samedi soir de bise. Deux heures du matin, tu lèves courageusement un pouce inerte, presque hésitant. Les rares automobilistes qui te dépassent t’arrosent généreusement en accélérant sur la chaussée trempée. Les plus délicats, qui digèrent encore le clown du dîner, s’esclaffent dans un coup de klaxon moqueur. Tu rentres bravement chez toi, les pieds humides et le cœur lourd en songeant à l’amputation prochaine de tes oreilles…
Comme toi, beaucoup conservent un souvenir mitigé de leur (brève) carrière de stoppeur. Une pratique qui, au vu des incidents parfois dramatiques qui ont ponctué l’actualité de ces dernières décennies, tend à disparaître. Déplorable pour les fervents défenseurs de ce moyen de transport, héritiers d’un mai 68 utopiste qui parlait alors de respect et de partage. Une génération moins confortable, où l’on ne comptait pas davantage de véhicules que de foyers, issue d’une campagne rurale à peine desservie par les transports publics. L’auto-stop en costume d’évidence, on faisait des rencontres : des petits bouts d’existence à peine entrechoqués sur le cuir d’un siège passager. Parfois des mots plus subtils, un regard échangé, à l’instar de cette femme qui confie avoir trouvé l’amour sur le bord de la route, quand vingt ans plus tôt, elle y cueillait son futur mari, la barbe fière et la chemise fleurie. Une manœuvre qui conduisait parfois bien au-delà des frontières nationales, quand les plus aventureux s’offraient une petite virée dans le sud méditerranéen, sac au dos et guitare en bandoulière…
Bon d’accord, on se rend bien compte que l’époque n’est plus la même. Pourtant, si le modèle standard de l’auto-stoppeur libre et rêveur a généralement fait place au cas soc’ ivre et nauséabond (souvent le même, trente ans plus tard), quelques courageux aventuriers sains de corps et d’esprit se lancent aujourd’hui encore dans des périples à coups de pouces levés.
Éco-responsable, le sandwich de l’auto-stoppeur 2.0 est bio, sa conscience verte et son slip en fibre de chanvre. Post-soixante-huitard, il pratique le co-voiturage via son smartphone durable et milite ainsi pour une société décroissante. Sa définition en dit long sur sa mentalité: Covoiturer (déf.): partager l’habitacle (et les horaires) d’un automobiliste lui aussi éco-sensible (mais pas trop). La synthèse délicate donc entre les inconvénients de l’auto-stop (subordination, horaires aléatoires, supplice musical), et l’anéantissement de ses atouts (complète gratuité, aventure, obsolescence du planning). Une alternative coûteuse au réchauffement climatique donc, mais on va pas non plus lancer le débat.
Easy Jet est en grève et un été caniculaire se profile. Qui cracherait sur une petite semaine les pieds dans l’eau pour se rafraîchir les neurones?! Et sans débourser un rond pour le trajet s’il vous plait!
Finalement, l’auto-stoppeur est plus ou moins comme tout le monde. Pratique ouverte à de nombreux profils, on notera tout de même qu’une bonne dose de patience, de sang-froid et d’humour seront de mise, surtout si pour l’occasion tu te trimballes 2 valises d’affaires et une tronche de déterré.
1. Un sac, pour contenir le reste c’est mieux...
2. Une brosse à dents, pouroptimiser ton rendement sur la chaussée. des dents propres suggèrent une bonne hygiène corporelle globale donc une fragrance pas trop répulsive pour tes chauffeurs.
3. Un gros stylo noir pour calligraphier tes destinations.
4. Une carte routière : non pas pour déterminer ta direction (ton chauffeur fera office de GPS) mais pour réviser ton orthographe. BORDO ou TOULOUZE en gros sur une pancarte c’est contre-productif sur une jonction d’autoroute.
5. De la crème solaire et une casquette, un parapluie, une polaire, une paire de ra- quettes à neige... Anticipe toutes les catastrophes météorologiques possibles et imagine-toi dessous, sans abri avant la prochaine borne de péage...*
6. Un spray au poivre, un gilet pare-balle et un sabre laser. Anticipe toutes les agressions possibles et imagine que tu en es la proie... Toujours jusqu’à la prochaine borne de péage...*
7. Un pote, sans bagage de préférence, ça facilite l’embarquement.
8. Un game boy color et la version jaune des Pokémon, ça marche avec des piles. | ct
* La borne est à 62 kilomètres