Ecrivain, professeur honoraire à l'EPFL et conseiller national (PDC/ VD), il ne manque pas d'alimenter les nombreux débats qui agitent la politique de formation et de recherche. Rencontre.
Vous regrettez le manque de vision prospective dans le débat sur le futur paysage de la formation tertiaire… Expliquez-nous vos inquiétudes? La loi sur l'encouragement des hautes écoles LEHE fait l'impasse sur toute planification. L'autorité en charge - la Conférence des hautes écoles - ne pourra pas créer des pôles d'excellence sauf si les cantons sont d'accord. Le pouvoir de décision de la Confédération est réduit à peu de choses. Dès lors les lacunes et les doublons existant actuellement continueront d'exister. Or la Suisse est un petit pays, plus petit que la Californie. Si nous voulons utiliser au mieux nos moyens, il faut une gestion efficace. Nous n'en prenons pas le chemin avec cette loi. |
Il n'y a aucune vision d'ensemble, mais une approche comptable: la Confédération pourrait imposer ses vues si elle utilise l'arme des crédits qu'elle distribue.
Plusieurs initiatives parlementaires plaident pour qu'un même département fédéral régisse tout le secteur de la formation et de la recherche. Quels enjeux stratégiques sous-tend un tel remaniement?
Si un seul département s'occupait de formation, de recherche et de culture, il y aurait alors une voix forte au Conseil fédéral pour défendre les objectifs et le budget. Le partage entre deux départements entraîne un flou, une démission, un manque de vision d'ensemble. HES et EPF sont en compétition avec les universités.
De nombreuses voix identifient l'afflux d'étudiants étrangers comme la source des divers maux qui grèvent le système d'enseignement supérieur suisse. Comment appréhendez-vous ce débat aux teneurs émotionnelles?
C'est tout simplement ridicule. L'université, par sa définition même, s'intéresse aux étudiants les plus prometteurs, indépendamment de leur sexe, de leur religion, de leur race ou de leur passeport. Plus nous attirons d'étudiants étrangers de valeur, plus nous avons de chances de les retenir et de répondre aux besoins d'une économie de pointe et d'une industrie de haute qualité. Il est impossible de répondre à ces exigences en se satisfaisant des ressources locales. A seul titre d'exemple, un quart des médecins exerçant en Suisse ont été formés à l'étranger. Faut-il les expulser?
Vous avez clairement soutenu l'initiative populaire fédérale pour l'harmonisation du système des bourses d'études. Selon vous, quelles perspectives se dessinent?
L'accueil du parlement sera plutôt favorable, bien que des surprises ne soient pas exclues. Le Conseil des Etats est le gardien sourcilleux de l'autonomie cantonale. La meilleure façon de soutenir le projet est d'établir un contact direct entre les étudiants d'un canton et leurs Conseillers aux Etats.
Forte sélection sociale, discriminations persistantes, aides financières lacunaires, mauvaise condition sociale et économique des étudiants... Beaucoup de zones d'ombres pour un système académique suisse dont on loue pourtant l'excellence?
Nous n'exploitons pas toutes les ressources humaines du pays. Certaines bourses sont ridicules et la plupart ne suffisent pas à assurer l'entretien d'un étudiant. Mais la majorité du parlement est entre les mains de l'UDC et du PLR, partis de droite déclarés, soucieux de maintenir les privilèges de la classe sociale dominante. Pourtant ils s'appuient sur un large électorat qui est manipulé par l'arme de la xénophobie et les dépenses extravagantes lors des campagnes électorales. La finance domine le parlement et le champ électoral. Néanmoins l'université suisse est excellente, parce que les investissements sont considérables, bien supérieurs à ce qu'ils sont dans d'autres pays.
Retrouve l'interview vidéo de Jacques Neirynck au Forum des 100 2011 sur etudiants.tv