Les jeunes filles ont été «échangées contre 4 prisonniers de Boko Haram ce matin», dans la région de Banki (frontière du Cameroun), a indiqué une source locale à l’AFP. «Les filles ont été amenées à Kumshe, à 15 km de Banki […] vers 3h du matin. Les 4 combattants de Boko Haram sont arrivés à Banki depuis Maiduguri dans un hélicoptère de l’armée, et ont été conduits à Kumshe dans des véhicules du CICR (Comité International de la Croix Rouge)», a rapporté cette source proche du dossier. Les jeunes filles ont ensuite été emmenées à Maiduguri, capitale du Borno, par hélicoptère, mais selon les autorités locales, elles seraient actuellement en route pour la capitale administrative Abuja.
Garba Shehu, porte-parole de la présidence, a confirmé la libération, «facilitée par le CICR et gouvernement suisse» dans un communiqué, sans toutefois évoquer un quelconque échange de prisonniers. Le CICR n’a pas souhaité commenter cette information, mais pour les experts de la région, la Croix Rouge est un «interlocuteur très crédible de la région», et ce choix de partenariat n’est pas une surprise. «Le président Muhammadu Buhari se félicite de la libération des filles, mais rappelle aux Nigérians que plus de 30.000 citoyens ont été tués par le terrorisme» de Boko Haram, ajoute le communiqué précisant que les noms des jeunes filles libérées serait bientôt dévoilés.
Le mouvement Bring Back Our Girls – qui lutte pour la libération de plus de 200 jeunes filles de Chibok kidnappées en avril 2014 alors qu’elles passaient leur examen –, a déclaré attendre la confirmation de leur identité. Parmi les 276 lycéennes enlevées par Boko Haram le 14 avril 2014, 57 avaient réussi à s’échapper juste après le rapt, et l’une d’elles a été retrouvée par l’armée au mois de mai.
Relayé par les médias du monde entier, ce kidnapping de masse a provoqué une vague d’indignation mondiale, jusqu’à la Maison Blanche de Washington, où Michelle Obama avait brandi une pancarte avec le hashtage #Brinbackourgirls («ramenez-nous nos filles»), relayé sur Twitter. Début août, un grand nombre d’entre elles étaient apparues dans une vidéo postée par leurs ravisseurs sur YouTube, après des mois de silence et d’interrogations sur leur état de santé.
Le chef du mouvement, Abubakar Shekau, venait juste d’être démis de ses fonctions par l’Etat Islamique -auquel Boko Haram a prêté allégeance en mars 2015- et souhaitait montrer ainsi qu’il contrôle encore «la monnaie d’échange du groupe», selon Yan St Pierre, directeur de Modern Security Consulting Group. Shekau répétait alors qu’elles avaient été mariées à ses combattants et qu’un grand nombre d’entre elles avaient été tuées dans des raids de l’armée. Il avait également déclaré que des lycéenens chrétiennes enlevées avaient été converties de force à l’islam.
A la mi-septembre, le gouvernement nigérian avait reconnu que des négociations avec le groupe jihadiste pour la libération des lycéennes avaient échoué à trois reprises, Boko Haram n’ayant jamais finalisé les échanges. Pour M. St Pierre, cet échange «montre que Boko Haram a besoin de ressources, humaines ou financières […] mais le petit nombre de filles libérées indique que leur prix est élevé et que le groupe doit garder des atouts dans sa poche». Le consultant anti-terroriste remarque que l’armée nigériane n’a toujours pas commenté non plus cette libération: «elle est muette, c’est à se demander si cela a été fait avec leur consentement».
L’armée nigériane mène depuis début octobre des raids aériens sur la forêt de Chibok, fief du groupe, et de sa faction conduite par le leader Abubakar Shekau. «Espérons que ce soit le début des négociations pour trouver un terme à l’insurrection», explique Ryan Cummings, directeur de Signal Risk.
Mais l’attentat perpétré mercredi dans une gare routière de Maiduguri – 8 morts et une quinzaine de blessés – a démontré que Boko Haram ou du moins certaines de ses factions, n’est pas décidé à y mettre fin.
(source LeTemps)