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Se passer de l'huile de palme

Le parcours du combattant ?

Strasbourgeois de 26 ans et étudiant en chimie, Adrien Gontier s’est passé d’huile de palme durant une année.

Combien de temps a duré ton expérience?

Une année, de juillet 2011 à juillet 2012. Maintenant, je continue à faire attention, mais pas de manière aussi assidue car mon «régime» sans huile de palme comprenait les dérivés et tous les produits, même non alimentaires.

Pourquoi avoir décidé de ne plus manger ni d'utiliser des produits contenant de l'huile de palme?

Pour savoir dans quels produits elle se cache, pourquoi est-elle aussi présente et comment la remplacer. L'huile de palme, contrairement à d'autres éléments, est utilisée dans une multitude de domaines et transformée en d'autres composants. Ce régime permet de pousser la curiosité au maximum. Comprendre l'utilisation d'un émulsifiant, la séquestration de carbone dans des forêts tourbeuses ou encore comment réaliser soi-même ses produits... Je trouve que c'est vraiment très intéressant de comprendre ce que l'on achète. En fait, un régime c'est un bon prétexte pour approfondir ses connaissances de manière générale car il nous oblige à nous renseigner sur tout.

Comment as-tu été rendu attentif à ce phénomène?

Depuis un certain nombre d'années, je suis sensible à quasiment tous les problèmes environnementaux. La production d'huile de palme en faisait partie. Cette idée m'est venue après une discussion avec des amis: si nous n'avions pas parlé d'huile de palme, peut-être aurai-je eu une autre idée ce jour-là!

Comment as-tu réussi à tenir une année durant?

«Tenir» n'a rien de difficile. Remplacer un produit avec huile de palme par un autre est très simple (le paquet d'à côté par exemple). Le plus dur a été de savoir où elle se cache, savoir si le E471 de ce produit est «palmé» ou non. Je n'ai pas eu de «manque». Il faut savoir que nous l'utilisons à notre dépend bien souvent. Le plus contraignant est toujours les sorties, comme pour n'importe quel régime mais mes amis m’ont toujours soutenu!

Quel bilan tires-tu de ton expérience?

A la base, mon idée est un projet personnel. J'ai décidé de partager mes informations glanées au fur et à mesure. Je trouve que d'accumuler des connaissances sans les partager n'a pas trop d'utilité. J'ai alors découvert l'intérêt d'autres citoyens qui sont en mal d'informations. En effet, beaucoup de personnes veulent en savoir plus sur leur consommation et leur impact. D'autres sont persuadées d'un certain nombre d’idées reçues: que le bio ne contient pas d'huile de palme, tout comme les produits non alimentaires écologiques, etc. Quand on évoque l’huile de palme, on parle fabrication de lessive, d’agrocarburants, de l’alimentation, le sujet est vaste; bref, je me suis éclaté (rire)! Au final, se passer d'huile de palme en alimentation a été plus facile que pour certains produits comme les savons! Les personnes autour de moi ont commencé à s’intéresser à leur consommation provoquant de multiples questions. Pour moi, c'est essentiel. D'un point de vue personnel, cela m'a permis d'aller plus loin dans ma démarche «d'éco-citoyen».

Comment ont réagi les entreprises lorsque tu leur as écrit au sujet de leurs produits?

J’ai eu de tout: des réponses honnêtes, d'autres moins ou encore, pas de réponses. En général, en alimentaire, c'est plus facile. J'incite chacun à poser des questions sur les articles qu'il achète. Je pars du principe que si nous consommons un produit, nous pouvons obtenir toutes les informations à son sujet. Si cela n'est pas le cas, je préfère en acquérir un autre: si on ne me dit pas ce que je consomme, c'est qu'il y a peut être quelque chose à cacher!

Faut-il une loi à long terme qui limite puis prohibe la consommation de tels produits?

Non. Le problème de l'huile de palme est que, bien souvent, elle est produite au détriment de l’écosystème et des populations locales. À d'autres endroits, elle peut être bénéfique pour ces dernières. En effet, l'arrivée de l'huile de palme s'est traduite dans certains cas par un spectaculaire repli de la pauvreté alors que dans d'autres, la situation s’est empirée. Dans le cas où les plantations peuvent être bénéfiques (salaires satisfaisants, pas de conflits fonciers, plantations sur des terres en friches et non sur d'anciennes forêts), je ne vois pas d'objection. Il faut donc faire en sorte que cette dernière solution soit encouragée. Des initiatives ont déjà été prises, mais ce sont les industriels qui les ont créées. Le dispositif est de la poudre aux yeux mais l'idée est louable. Seulement, les règles ont été établies par des grands, pour des grands dans un système où ce sont de grandes parcelles qui priment et non des regroupements de petits indépendants. Enfin, on se heurte à quelque chose de très difficile: arrivé chez nous, il est compliqué de savoir pour le consommateur l'histoire de son produit et d'en évaluer l'impact. La traçabilité et la transparence sont pour moi la clef. Je pense qu’une note sociale et environnementale d'un produit serait un bon moyen pour le consommateur de l’évaluer.