A la base, je n’y connaissais rien moi aux bals. Bon ok, dans mon Valais natal, j’ai bien participé à quelques bals populaires mais ça n’a rien à voir avec les vraies fêtes dansantes organisées, chaque année, par une jeunesse portant haut et fort sautoirs colorés et casquettes bariolées. Merci à ces chères sociétés d’étudiants de maintenir vivante la tradition des valses et autres mouvements virevoltants. Sans elles, je n’aurais jamais goûté aux joies et déboires de ces grandes soirées festives, mais «so british», où le pas de danse prend le dessus sur le coup du poignet, dégainant une canette de bière plus vite que son ombre!
Mais, reprenons depuis le début…! Enfant déjà, on me bassinait avec ces histoires de contes de fées et tout ce qui va avec (ballet, banquet et prince charmant). Alors lorsque mon petit ami m’a proposé de participer à un bal en Autriche, je lui ai répondu «je suis ton homme» ou plutôt «ta cavalière!», trop contente de vérifier si mes lectures d’enfance disaient vrai. Pour ma part, le conte courtois a vite tourné à la farce! Imaginez! Moi la fille de la campagne aux éternels t-shirts, jeans, baskets - quand ce n’est pas en jogging! - prendre part à un ballet viennois! Lorsque j’ai annoncé mon intention d’y participer, mes amis ne m’ont pas prise au sérieux. «Toi incapable d’apprendre un seul pas de salsa, sur une piste de danse, en plein cœur de Vienne. Elle est bien bonne!», se sont-ils moqués. Rira bien qui rira le dernier!
Au vu de ma piètre performance au cours de salsa (sur ce point-là, mes copains avaient raison!), les leçons de danse, on les zappe. Pas le temps, de toute façon! Le départ est prévu dans une semaine!
Tel un preux chevalier ignorant les huées, je pars à la conquête de ma robe. Au détour d’un chemin, je tombe sur la caverne d’Alibaba, une petite boutique sombre digne de la maison Barbie.
En y pénétrant, je me sens comme un éléphant dans une magasin de porcelaine. Lors de la séance d’essayage, le patron me gronde car je laisse traîner les robes par terre. Le problème c’est que, peu habituée à de tels accoutrements, je ne sais pas comment les mettre! «Haut les mains», m’ordonne le vendeur. Et prenant un ton plus affable, il m’explique comment passer une robe de bal. Après plus de quinze essayages, ouf sauvée, j’ai trouvé la perle rare!
Vienne, lundi 13 février, 15h30. Les hostilités commencent ou plus joliment dit la préparation des festivités. Et oui car on ne se rend pas à un bal viennois sans un minimum de tenue, que diable, au risque de se faire refouler devant la porte d’entrée comme une malpropre. Il faut encore trouver gants et masque de velours. Sans oublier maquillage et chignon obligatoires. Le marathon commence. Je me rendrai chez le coiffeur pendant que mon cavalier ira quérir un loup, comme quoi les princes charmants - bien qu’en voie de disparition en ce début du troisième millénaire - existent encore! Une fois coiffée et pomponée, il ne me reste plus qu’à passer ma robe, ce qui, malgré les explications du propriétaire de la boutique, n’est pas une mince affaire! En bonne combattante des temps modernes, je décide de sacrifier ma belle coiffure sous l’autel de mon vêtement enrubanné, qui au passage abîme mon chignon.
Je suis enfin prête. Une demi-heure avant l’ouverture officielle du bal, la classe quoi! Mais en partant, y a comme un hic. Il me semble avoir oublié quelque chose. Je récapitule: gants, sac à main, masque et talons hauts. Toute la panoplie y est. Manque juste le… cavalier! «Oh non il n’a pas osé me poser un lapin après tous ces efforts quand même». Je profite de cette défection dans les rangs pour remettre un peu d’ordre dans ma chevelure. Mais peu à peu ma patience s’effiloche tout comme ma robe qui a déjà perdu toutes ses paillettes. Et l’envie me prend d’envoyer à mon compagnon de danse un sms du style «à partir de minuit mon carrosse se transforme en citrouille donc passe la troisième». Au moment d’appuyer sur la touche envoyer, je vois débarquer mon chevalier servant en calèche. Même si c’est hyper romantique, la calèche, je m’en serai bien passée. Odeur et traces de fumier garantis! Et voilà que je me mets à pleurer. Mais pourquoi? Serait-ce l’émotion? Personnellement, je préfère mettre ça sur le compte de mon allergie aux poils de chevaux! Mon mascara coule sur mon visage. «ça valait bien la peine de passer une heure à me maquiller!»
Nous voilà devant les portes du palais, il va falloir assumer maintenant. Plus moyen de reculer en prétextant un mal de pieds épouvantable, perchée sur mes hauts talons. Quoique…! Nous escaladons les marches sous les projecteurs. Et je dois avouer que c’est un peu grisant! Ou est-ce l’ivresse? Et oui, en attendant mon prince charmant, j’ai eu le temps de boire quelques verres de Grüner Veltliner, leur fendant local. Je parviens sur le haut des marches et là on se fait photographier. Pas le temps de penser au droit à l’image sans cesse ressassé par mon prof de journalisme à l’uni, le bal des débutantes commence.
Et là, je déchante! Je me dis que finalement les cours de danse, ce n'’était pas une si mauvaise idée tant leurs pas paraissent souples, gracieux, magiques. Tout simplement parfaits! Je n’ose m’élancer sur la piste de danse, moi la miss sans façon et sans gêne! Mais pas le temps de me poser trop de questions, mon partenaire m’enlace. J’entre dans la danse!