Manque de place dans les auditoires, pénurie de logements, les conditions de travail des étudiants se dégradent avec l’augmentation du nombre d’inscrits.
Pour y faire face, certains proposent de rehausser les taxes universitaires. Mais est-ce vraiment la solution? Ou existe-t-il des alternatives? Retour sur la question.
Selon l’Office Fédéral de la Statistique (OFS), on comptait, au semestre d’automne 2011, 213'855 étudiants. Parmi eux, 63 % fréquentaient une université et 37 % une HES. La population compte aujourd’hui 20 % de diplômés du secteur tertiaire. Si l’on considère les universitaires seulement, c’est une proportion qui a augmenté de plus d’une fois et demie depuis 1990. Et cette évolution n’est pas prête de ralentir. Selon un scénario « neutre », la proportion de diplômés dans la population devrait atteindre 28 % en 2020.
Force est donc de constater que les études universitaires séduisent de plus en plus de jeunes. On peut alors se demander pourquoi. Bien qu’une formation universitaire ne garantisse plus, à l’heure actuelle, une place de travail, l’idée qu’elle représente une meilleure intégration sur le marché de l’emploi, accompagnée d’une hausse de prestations salariales, est répandue.
Il est donc évident - et le phénomène se trouve accentué en temps de crise - que les jeunes sont de plus en plus nombreux à se diriger vers cette voie.
Pour cause, la pression des parents est, elle aussi, croissante. Désirant le meilleur pour leur progéniture, ils la poussent vers ce type de filière. C’est sans compter que le caractère abstrait et théorique de l’université ne convient pas à tout le monde. De plus en plus d’adolescents se laissent donc convaincre, certains sont même, sans s’en rendre compte, formatés depuis leur enfance pour effectuer un tel parcours. Beaucoup se retrouvent ensuite face à un échec, faute d’envie ou de capacités.
Parmi ces nombreux étudiants, bon nombre sont étrangers. Dans certains établissements, ils atteignent même 40 % des élèves. Et pourtant, on ne voudrait pas s’en séparer, c’est un véritable atout pour notre pays. Comment peut-on alors éviter une surpopulation estudiantine?
Et après tout pourquoi faudrait-il se limiter, la quantité engendre-elle vraiment un sacrifice de la qualité? Existe-t-il même un lien entre les deux? Aux yeux des étudiants, très certainement! Les infrastructures ne suivent plus la constante augmentation d’élèves. Pour avoir une place, il faut souvent venir une heure à l’avance. Devoir prendre des notes depuis une marche d’escaliers, manquer le cours précédent pour avoir un siège, voilà les conséquences négatives du phénomène. Les premières victimes? Les universitaires. Sans même parler des habitations.
Face à la crise du logement, c’est dur de se battre en temps que jeune sans salaire, c’est sûr. Sans le soutien moral et financier des parents, on n’a presque aucune chance de trouver un studio. Mais quid des cités estudiantines? Nombreuses sont victimes de la même crise! Les listes d’attente sont longues. Une solution sur laquelle ces jeunes en formation ne peuvent plus vraiment compter.
Le débat sur les taxes universitaires refait donc son apparition. On affirme qu’un accroissement de celles-ci est nécessaire pour améliorer – voire même maintenir – le niveau de prestations. De surcroît, une telle augmentation permettrait de contrer la surpopulation universitaire. Les institutions mettent aussi en avant le manque de moyens qui freine leurs ambitions.
Autre argument: d’après les chiffres de l’OFS, on constate que la majorité des jeunes en formation sont eux-mêmes enfants de diplômés. Il serait donc logique qu’ils participent davantage aux frais de leur scolarité, d’autant qu’ils gagnent en moyenne plus sur le marché du travail que le reste de la population. Des mesures seraient par ailleurs renforcées afin de ne pas limiter l’accès: bourses, prêts, etc.
Les opposants à une telle augmentation s’insurgent en raison de la démocratisation de l’éducation. Une telle perspective vise à ce que chacun puisse réaliser sa formation, selon ses capacités et ses intérêts, plutôt que contraint par sa situation économique. Pour certains spécialistes, accroître le montant de la taxe universitaire irait donc à l’encontre du rôle prépondérant de l’établissement: recruter et former les meilleurs étudiants, peu importe leur origine sociale.
Comment dès lors assurer un accès aux études tertiaires pour tous, même les plus défavorisés, tout en préservant la formation et le bien-être des étudiants?
Rappelons que la taxe de formation perçue est minime en comparaison des coûts de l’enseignement. En effet, l’éducation représente en Suisse environ 19,5 % des dépenses publiques, dont 24 % pour le domaine tertiaire A (universités, hautes écoles, EPF). Il convient aussi de relever que la participation individuelle, perçue sous forme de taxes universitaires, est faible en comparaison avec d’autres pays (USA, Canada, Grande-Bretagne, France, etc.)
Une question demeure toutefois. La sélection doit-elle vraiment passer par le porte-monnaie? Posée comme telle, cela reste impensable, mais c’est pourtant ce qu’une hausse des frais de scolarité engendrerait. Bien qu’on assure que les bourses seraient adaptées et qu’il existerait de nombreux moyens d’obtenir des subsides pour ceux qui ne peuvent payer leurs études, une augmentation des coûts suffirait certainement à en décourager plus d’un.
Serait-ce donc une sélection sur les capacités de persévérance et de résistance aux longues démarches administratives? Assurément pas une solution. Pourquoi ne pas alors en revenir à l’examen d’entrée? Afin d’éviter les sélections en fin de première année, parce qu’on sait tous que, dans la plupart des facultés, la correction des examens de la première session est bien plus sévère – l’occasion de faire un tri donc. Seulement 25 % des étudiants en médecine réussissent leur première année.
Un examen d’entrée éviterait la perte de nombreux mois à bien des jeunes qui se retrouvent dépourvus après leur échec et abandonnent. Pareil pour les branches de master telles la logopédie qui ne prennent que très peu d’étudiants, malgré le fait que la majorité a passé avec succès l’étape précédente. Que faire de trois ans de bachelor en logopédie pour au final se voir refuser l’entrée au master de la même branche parce que le nombre de places est limité?
Et si le numerus clausus à l’entrée au bachelor était la solution? Plusieurs universités suisses allemandes l’ont adopté. Aujourd’hui, elles enregistrent un taux de réussite de 80 %.