Mardi matin 8 heures, c’est le début de la période des révisions. Cinq examens t’attendent dans un mois, il faudrait voir pour ne pas trop traîner. D’ailleurs aujourd’hui tu as décidé de prendre la journée pour revoir la matière d’un cours.
Mais avant cela, ton bureau n’est pas rangé. Ce n’est guère propice à de bonnes conditions de travail! Tu commences donc par faire de l’ordre.
Et maintenant que tu y penses, tu as oublié d’appeler ton médecin pour prendre rendez-vous. Afin de remédier à cette étourderie, tu saisis ton téléphone portable et compose le numéro de ton praticien. Par la même occasion, tu en profites pour lancer un coup de fil à ton frère, histoire d’avoir de ses nouvelles.
10 heures. Tu t’assieds enfin à ton bureau mais remarque que tu as un petit creux. Tu te lances donc dans la préparation d’un brunch tant qu’à faire... Tu aimes bien regarder un ou deux épisodes d’une de tes séries favorites en mangeant: aujourd’hui, c’est trois épisodes, le suspense est trop intense. Il est déjà 13 heures. Mais tu te dis que c’est le bon timing pour commencer! Ah, zut, ta coloc’ rentre aujourd’hui et le ménage n’est pas fait (tu l’as repoussé aussi)! Tu t’emploies donc à nettoyer l’appartement avant qu’elle n’arrive. En enlevant la poussière, tu retrouves ce vieil album photos, que tu feuillettes la larme à l’œil pendant une heure. Tiens, il est 18h, c’est l’heure de manger et plus tard ce ne sera plus le moment de travailler... Tant pis, tu commenceras tes révisions demain.
Cette histoire te paraît étrangement familière? C’est normal, comme 50% des étudiants, tu risques d’être touché par la procrastination, cette manie de tout remettre au lendemain, de ne pas effectuer les choses importantes à temps ou seulement au tout dernier moment. Elle touche tous les domaines de la vie: privée, professionnelle, sociale… et peut parfois avoir de graves conséquences.
Sache, toutefois, que « procrastiner » ne signifie pas ne rien faire. Au contraire, on peut être très actif et se lancer dans toute une foule d’activités, tant qu’elles ne concernent pas la tâche qui nous apparaît comme problématique.
Mais d’où vient la procrastination, ce mal qui paraît si récent?
Il semble qu’un des facteurs en cause soit la peur de l’échec. Dans la tête du procrastinateur, la logique est la suivante: tant qu’il ne commence pas la tâche qui l’attend, il ne peut pas échouer. C’est l’idée que ne rien faire est préférable au fait de rater le travail que l’on doit effectuer.
Dans ce cadre, les perfectionnistes sont également très enclins à devenir procrastinateurs: ne pouvant se faire à l’idée de rendre un document imparfait, ils préfèrent ne rien faire. Un travail de bonne qualité semble compliqué à réaliser, peut prendre du temps, coûte des efforts. Bref, la tâche paraît parfois insurmontable et la solution la plus efficace semble être de ne rien faire ou de repousser l’échéance plutôt que de (se) décevoir. Le problème est qu’au final, il faudra rendre le travail demandé, sous peine d’échouer. Il en résultera un travail mauvais qui frustrera encore plus le perfectionniste.
Selon diverses recherches sur le sujet, le mécanisme psychologique, à la base de la procrastination, résulterait d’un conflit cognitif entre le présent et le futur. On ne voit que l’instant et on décide de faire ce qui est le plus facile à ce moment-là. La tâche à effectuer ne procurant aucune satisfaction immédiate (écrire la problématique d’un travail que l’on doit rendre dans un mois par exemple), on s’attache à faire des choses dont la gratification sera plus rapide. En y perdant au change.
Selon les psychologues, le problème réside dans l’incapacité à comprendre que ce que l’on désire maintenant et ce que l’on souhaite à long terme ne sont pas la même chose. C’est ainsi que l’on achète des fruits que l’on ne mangera pas, que la liste des films à voir est remplie de films d’auteurs alors qu’au moment de choisir, les dernières sorties hollywoodiennes prennent le dessus, etc.
Cette incompréhension entre désirs immédiats et aspirations futures est issue d’un manque de maîtrise de soi à la base de la procrastination.
Un tel mécanisme a été mis en évidence par le psychologue, Walter Mischel, à travers une expérience réalisée dans les années 60 à l’Université de Standford. Pour les besoins de l’expérimentation, un enfant était placé seul dans une salle avec une guimauve devant lui. Il avait ensuite le choix: soit manger le bonbon tout de suite, soit attendre que le chercheur revienne avec une deuxième sucrerie. La logique voudrait que le bambin attende le retour du scientifique afin de recevoir une plus grande gratification. Or, seuls 30% des testés ont attendu le retour du psychologue.
Mischel a ensuite remarqué que les enfants qui avaient pu se maîtriser étaient ceux dont les performances scolaires étaient les meilleures. Ils avaient également pu focaliser leur attention sur autre chose que la guimauve devant eux, en imaginant un cadre autour du bonbon ou en s’intéressant à autre chose. Ceux qui au contraire fixaient la sucrerie finissaient par craquer et la manger.
Les bambins issus d’un milieu modeste réussissaient moins bien le test que ceux grandissant dans un environnement social plus aisé car ils n’avaient pas fait l’expérience de la frustration et succombaient donc tout de suite à leurs envies.
Ainsi, en apprenant à se maîtriser, l’enfant n’obtient pas une rétribution immédiate, mais une gratification différée dans le temps qui sera plus avantageuse pour lui. Voilà la solution à ce fléau de l’ajournement systématique des tâches qu’est la procrastination.
Ainsi, la procrastination serait surtout une histoire de maîtrise de soi et de gestion du temps. Pour éviter de procrastiner, mieux vaut apprendre à gérer les délais.
Avant cela, s’ajoute un travail de réflexion pour comprendre (et accepter) la temporalité des coûts et des gratifications: le bénéfice que l’on gagne à consommer la guimauve tout de suite est moindre que celui de la manger plus tard (on en recevra une deuxième). Similairement, le bien-être tiré en regardant la télévision maintenant au lieu de rédiger sa problématique vaut moins que la satisfaction du devoir accompli et l’obtention d’une bonne note à la reddition du document.
Enfin, sache que travailler dans l’urgence n’est pas toujours mauvais, tant que l’on respecte les délais et que la qualité du travail ne se trouve pas affectée Certaines personnes aiment travailler dans l’urgence, car elles sont plus performantes sous stress. Il n’est, ici, pas question de procrastination. Ce n’est que lorsque les conséquences sont vraiment négatives (travail médiocre et délais non respectés) que l’on peut y voir un réel problème.
Pour lutter contre la procrastination, il convient, tout d’abord, de changer sa vision des choses : se rendre compte de l’aspect bénéfique que ce travail nous apportera et voir les effets négatifs que sa non réalisation engendrera.
Autres conseils: ne pas sous-estimer le temps qu’une tâche peut demander et se fixer des objectifs raisonnables. Ne pas hésiter non plus à sectionner le travail à effectuer en plus petites tranches et s’octroyer des pauses. Pas trop longues tout de même! Il faut aussi commencer par ce que l’on aime le moins. Plus l’on repousse, plus c’est difficile de s’y mettre vraiment.
L’important est de se lancer ! Une fois dedans, c’est plus facile. N’oublie pas non plus de te récompenser à la fin de chaque étape. Une bonne façon de se (re)motiver!
Tu trouveras sur Internet toute sorte d’outils qui peuvent t’aider (mais qui restent plus une béquille qu’une vraie solution).
Par exemple, un logiciel gratuit propose de bloquer les applications que tu souhaites durant une durée déterminée, le temps pour toi de terminer ton travail sans distraction (et pour moi de finir cet article sans Internet)!