Quelques heures avant de s'envoler pour un voyage au Japon, le fondateur et président de Logitech nous partage sa vision sur l'innovation et la formation en Suisse.
L'innovation est fondamentale dans les activités de Logitech: comment la stimuler au quotidien?
L'innovation, c'est l'essence même de la survie dans le monde économique. Elle rime avec la passion. C'est la base. Voici 2 exemples qui le prouvent. Tout d'abord, dans les années 1998-2000, lors de l'explosion de la bulle internet. Pour beaucoup, cela a coïncidé avec la fin de l'illusion de la prospérité. Et qui sont les survivants de cette période? Ceux qui y ont mis leurs tripes et qui ont cru passionnément à leurs projets: Google, Amazon, … L'autre exemple, et probablement le plus parlant, est celui de Steve Jobs. En retournant chez Apple, il a amené LA Passion. Pour innover et inventer le futur!
Certains CEO considèrent malheureusement la Recherche et le Développement comme un centre de coûts. C'est un mauvais message transmis aux ingénieurs et une source de démotivation. La passion existe à tous les niveaux. Par exemple en logistique: la passion de servir le client. Elle doit être contagieuse!
Dans un environnement de plus en plus globalisé et concurrentiel, la clé du succès demeure l'innovation. Pour la Suisse, la matière grise est notre ressource la plus précieuse. Sur 3000 collaborateurs chez Logitech, plus de 1000 travaillent dans la R&D: en Chine, en Inde, à Taïwan, en Irlande et en Suisse (130). Dans la Silicon Valley, le travail des ingénieurs est fortement reconnu. Ils reçoivent de bons salaires et des stocks options importants, souvent même supérieurs à ceux d'autres départements de l'entreprise. Les CEO de la Silicon Valley ont compris le rôle de l'innovation et de la créativité dans la croissance et la prospérité de leur société.
Vous êtes très attaché à la formation. Quels sont les projets que vous soutenez et développez avec les écoles?
J'aime la Suisse et je pense qu'il faut miser sur l'innovation: pour attirer les entreprises, pour maintenir des salaires hauts et pour contribuer à la richesse du pays. Il y a quelques années, par le biais de la Fondation SwissUp, nous avions lancé les premiers rankings universitaires en Suisse, pour fournir gratuitement aux universités des projections de la qualité de leur enseignement. Inutile de dire que les résultats ont été accueillis avec quelques grincements de dents par certains d'entre eux.
La Fondation SwissUp finance depuis une chaire en nanotechnologie, dirigée par une femme ingénieure. Il s'agit d'un signal fort que nous voulions transmettre pour la promotion des femmes dans le monde de l'ingénierie.
Je consacre également du temps à rencontrer des étudiants pour échanger avec eux sur différents sujets. Il m'arrive aussi de partager avec eux mes expériences et mes idées lors de conférences.
Autrement, Logitech propose des thèses de master et des stages d'été pour faire découvrir la société aux futurs diplômés.
Selon vous, que faut-il faire en Suisse pour améliorer l'employabilité des jeunes diplômés?
La maîtrise des langues et de l'anglais surtout est fondamentale!
Ma fille est diplômée en ingénierie d'une université américaine: j'ai été impressionné par le nombre de rédactions et de présentations réalisées pendant sa formation! Les universités américaines insistent sur les aspects de communication: savoir défendre ses idées face à un auditoire de 10, 20 ou 30 personnes! ça existe ça en Suisse? Je ne le crois pas! Le meilleur ingénieur saura-t-il défendre ses idées s'il ne sait pas les faire partager aux autres?
Il faut encourager les jeunes à partir découvrir le monde, s'ouvrir à d'autres cultures. Prenons l'exemple du PSE (Parc Scientifique d'Ecublens / EPFL), un incubateur de startups. Combien d'entre elles ont réellement réussi un développement sur les marchés internationaux? Trop d'entreprises sont gérées par des personnes qui ne sont jamais sorties de Suisse. Comment alors imaginer un développement à l'étranger? Comment le communiquer aux collaborateurs? C'est très difficile.
Mon message est finalement simple: partez, découvrez, échangez. Bref, ouvrez votre esprit!
Titulaire d'un diplôme en physique de l'EPFL et d'un master en informatique de Standford, membre des 3 fondateurs de Logitech (1981), Daniel Borel en est aujourd'hui un membre externe du conseil d'administration. Il a contribué au développement des souris. D'abord produites à petite échelle pour un marché spécialisé, elles sont devenues des périphériques abordables qui se vendent partout dans le monde. C'est sous son impulsion que Logitech a initié la fabrication à grande échelle en Asie. Il a mené l'introduction de la société à la bourse suisse (1988) et au Nasdaq (1997). Il est actif au sein de 2 fondations: Defitech (dédiée aux personnes handicapées) et SwissUp (pour l'excellence de la formation en Suisse). |