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Pas un Week-End loin de mon canton!

Comment expliquer la transhumance estudiantine du vendredi?

C'est le week-end: ils se ruent à la gare dès la fin du dernier cours! Ils? Ce sont les étudiants qui fréquentent une université en dehors de leur petit canton chéri. Ils n'ont qu'une hâte, monter dans un train et rentrer. C'est le cas par exemple de nombreux Jurassiens et Valaisans, forcés d'étudier ailleurs puisque leurs cantons ne comptent pas d'université. Certaines branches qui ne sont dispensées que dans une école obligent aussi d'autres Romands à quitter leur coin de pays. Catherine se souvient de ses retours vers son Jura natal quand elle étudiait et habitait à Lausanne: «Le vendredi soir, le train de 19h45 était toujours bondé de Jurassiens. C'était fou!»

Pourquoi rentrer?

Retrouver sa famille et ses amis est le but principal de ce retour au pays. Certains étudiants ont conservé un job dans leur canton d'origine, d'autres n'ont pas eu le coeur de quitter la fanfare de leur village et reviennent pour les répétitions. Passer son permis de conduire au Jura coûte moins cher à Catherine; elle y retourne régulièrement pour pratiquer avec son moniteur ou avec ses parents. Et puis, comme dirait Jacques, c'est bien agréable de se faire concocter des petits plats par maman et papa! Parfois, le panier de lessive sale fait partie du voyage, mais j'ai promis de ne dénoncer personne...

Coloc-dortoir rédhibitoire ?

Cette transhumance estudiantine est responsable du phénomène des colocs-dortoirs qui se retrouvent vides de toute âme le week-end... Est-ce que cela pousse les étudiants à rentrer chez leurs parents si leurs colocataires font de même? Catherine la Jurassienne et Romain le Valaisan répondent par la négative. Ils vivent ensemble à Neuchâtel et rentrent chaque week-end dans leurs cantons respectifs, mais le comportement de l'autre n'a pas d'influence. Idem pour Pierre, il cohabite avec un compatriote qui rentre moins souvent que lui au Jura, mais cela ne l'encourage pas à passer ses week-ends à Neuchâtel: «Je rentre par défaut chaque semaine pour voir des gens à Porrentruy, ainsi que ma famille. S'il y a quelque chose de spécifique organisé à Neuchâtel, je reste.»

Migrer ou s'intégrer

«C'est positif d'être obligé de sortir de son canton, même si certains ne le font qu'à moitié.» Selon Catherine, pour rester au lieu de rentrer, il faut faire l'effort de s'ouvrir et se donner l'occasion de découvrir sa nouvelle ville. C'est vrai que certains disent qu'il n'y a rien à faire dans la cité de leurs études, mais ils n'ont pas forcément pris le temps de se rendre compte des possibilités. Une bande de potes sur place est primordiale pour s'intégrer!

Où vont-ils?

Dans quel canton nos amis Jurassiens et Valaisans choisissent-ils d'étudier? Les Jurassiens jettent leur dévolu sur Lausanne et Neuchâtel, alors que les Valaisans francophones se rendent plutôt à Genève, Lausanne ou Fribourg.

Axe Jura/Neuchâtel

Une étude de l'Office fédéral de la statistique (OFS) datant de 2009 montre que sur un total de 949 Jurassiens étudiant dans une haute école universitaire, 35,6 % préfèrent le site de Neuchâtel. C'est une majorité, mais la course est serrée! Leur deuxième site favori est Lausanne: 33,6 % d'entre eux choisissent d'y fréquenter l'EPFL (9,5%) ou l'Univeråsité de Lausanne (24,1%). Il y a dix ans déjà, les Jurassiens étaient plus nombreux à se rendre à l'Université de Neuchâtel plutôt qu'à celle de Lausanne, sans doute pour une question de proximité géographique avec leur terre natale.

L'UNIL séduit le Valais

Du côté des Alpes, les Valaisans, Romands et Suisses allemands confondus, sont 37,9% à choisir Lausanne, puis viennent les universités de Fribourg (21,5%) et Genève (11,4%). Évidemment, les Suisses allemands font grossir les chiffres de Fribourg.

Destinations boudées

Deux sites romands n'ont pas la cote, il s'agit de Neuchâtel, évité par les Valaisans: ils ne sont que 2,9% à y aller. Les Jurassiens, eux, sont seulement 9,5% à se rendre à Genève, la ville universitaire la plus éloignée de leur contrée.

«Une coupure dans la semaine»

Un bol d'air frais en Valais

«J'étais content de venir étudier à Neuchâtel car j'aime découvrir de nouveaux endroits!» Romain, Valaisan de 25 ans, est arrivé dans la ville en septembre 2009 pour commencer un master en psychologie du travail, filière qui n'existe pas ailleurs en Suisse romande. Ce n'est pas la première fois que le grand Romain - il mesure plus de 2 mètres - quitte Sion. Il a effectué son bachelor entre la France et le Canada.

Anti-stéréotype valaisan

Il ne se considère pas comme un Valaisan moyen: «Mes compatriotes ont tendance à se regrouper sur les campus. Beaucoup s'ennuient du Valais lorsqu'ils n'y sont pas et n'imagineraient pas passerun week-end loin de leur canton. Ils y sont très attachés.» Ce n'est pas le cas de Romain, pourtant il rentre systématiquement en fin de semaine. «S'il y avait plus de choses à faire à Neuchâtel, des trucs qu'on ne peut pas faire en Valais, je resterais...» Il cite le ski nautique qu'il espère tester au retour des beaux jours. Sportif, l'étudiant profite évidemment des sports de glisse en Valais durant l'hiver. Qu'est-ce qui le pousserait à rester sur Neuchâtel le week-end? «Je ne vois pas bien...» Il se ravise: «Ah, sauf si j'avais une petite amie ici, ou alors si mes potes valaisans venaient me voir!»

Changer d'air

Le jeune homme se rend en Valais pour voir sa famille et ses amis. Ceux-ci étudient également en dehors de leur canton: les retrouvailles ont donc lieu le week-end à Sion. «C'est aussi une coupure dans la semaine, un petit voyage...» Est-il aussi attiré par le confort? Ses parents lui préparent-ils des petits plats? Il avoue adorer la cuisine de sa mère, mais ne pas rentrer exprès, «ni lui ramener le panier de lessive... Non je ne fais pas ça!» Il explique aussi ses allers-retours par un désir de changer d'air: «J'associe la ville où j'étudie au travail! Le Valais, c'est plus décontracté.» Il n'a pourtant pas l'impression de rater une partie de la vie neuchâteloise: «Je sors boire des verres la semaine, qu'est-ce que tu fais de plus les soirs de weekend?» Ses copains rentrent également dans leurs cantons respectifs. «Ce ne sont pas des Neuchâtelois pour la plupart, ils vivent comme en colocation.»

«Mon foyer, c'est ma coloc!»

Une Jurassienne qui fait la navette

«Je rentre au Jura chaque week-end, pour passer mon permis de conduire!» Catherine, 24 ans, est étudiante en master de journalisme, une spécificité de l'université de Neuchâtel. Le temps de passer son examen de conduite, elle fait la navette. La Jurassienne habite dans la ville de Neuchâtel depuis l'automne 2008 et s'y est vite attachée. «Mes études de master m'ont conduite ici alors que l'endroit ne m'attirait pas, je n'y connaissais personne et cela me semblait petit. J'avais vécu à Lausanne et Berlin avant, alors...» Aujourd'hui, la ville et son lac l'ont séduite par leur beauté. Elle y trouve même les gens plus sympas qu'à Lausanne. «Mais il fallait que je sois forcée d'y vivre pour m'en rendre compte!»

Neuchâtel, c'est chez moi

Dès qu'elle aura son permis, Catherine pense rentrer seulement un week-end par mois au Jura. «Je n'y ai pas beaucoup d'attaches, à part ma famille. Mes amis sont disséminés ailleurs.» Le fait de rentrer très souvent lui a quand même permis de renouer avec d'anciennes connaissances jurassiennes, croisées au gré de ses sorties.

Et si ses colocs la laissent seule le week-end, sera-t-elle plus facilement tentée de rejoindre Courtételle? «Non, je resterai pour étudier!» C'est ce qu'elle faisait au début de son master, alors qu'elle louait une chambre chez une dame. «C'est difficile de travailler chez ma mère, je n'y ai plus de pièce, d'espace tranquille.» Quand on lui demande où elle se sent le plus chez elle, la future journaliste répond sans hésiter: «Mon foyer, c'est ma coloc! C'est là que j'ai ma chambre.»

Tendance à rester entre eux

Catherine ne s'est jamais rendue à une soirée organisée par les étudiants jurassiens de Neuchâtel. «J'ai l'impression qu'ils ont tendance à rester entre eux. Je préfère avoir des amis variés, peu importe d'où ils viennent.» Elle trouve aussi dommage le fait d'habiter dans une autre ville sans chercher à la connaître: «Je pense que rentrer est une facilité.» Et elle, s'il y avait une université dans le Jura, y aurait-elle étudié? «Non! Mais je pense que cela arrangerait beaucoup de personnes.»