Belfast n'est peut-être pas la destination Erasmus la plus populaire, mais la «capitale» de l'Irlande du Nord gagne à être connue. Tiraillée entre le Royaume-Uni et l'Irlande, Belfast est une ville en mouvement où l'Histoire est toujours en marche. Idéale pour les férus d'histoire ou de sociologie.
Quand on mentionne Erasmus, les premières villes qui viennent à l'esprit sont Paris, Berlin, Londres ou évidemment Barcelone. Quand je parle de mon expérience d'échange universitaire, mes interlocuteurs sont souvent surpris et je m'empresse alors de préciser «C'est en Irlande du Nord, Belfast...».
Et, pour être honnête, j'ai moi-même atterri à Belfast un peu par hasard, cherchant un lieu pour améliorer mon anglais maladroit et hésitant entre Dublin et l'Angleterre. A l'image de l'Ulster qui hésite, depuis des décennies, entre le Royaume-Uni et la République d'Irlande.
Dès mon arrivée à Belfast, j'ai été frappé par cette double identité de la ville: les quartiers républicains aux murs peints à l'effigie de Bobby Sand et de ses compagnons sont encore séparés des secteurs loyalistes par un mur; les défilés orangistes, en juillet, répondent aux célébrations de la Saint-Patrick du 17 mars; l'Union Jack et le drapeau tricolore irlandais se toisent d'un air de défi. Etudiant en histoire contemporaine et en sociologie, je me suis vite retrouvé dans mon élément en Irlande du Nord: ma fibre historique a été comblée par le sentiment d'étudier l'Histoire là où elle est encore en marche. Ma facette plus sociologique a trouvé en Belfast le laboratoire vivant où se crée une identité nouvelle, «nord-irlandaise». D'autant que, malgré des rancoeurs tenaces et quelques regains de violences, Belfast a réussi à se sortir de cette spirale et le processus de paix nord-irlandais est un des modèles du genre.
En 1998, les Accord du Vendredi Saint ont mis fin à trente années de «Troubles» meurtriers et Gerry Adams, leader républicain, s'asseyait plus récemment à la même table que Ian Paisley, son homologue loyaliste. Malgré quelques irréductibles «militants» qui s'apparentent aujourd'hui plus à des délinquants de bas étage qu'à des idéalistes, l'IRA (Irish Republican Army) et l'UVF (Ulster Volunteer Force) ont toutes deux rendu les armes. Et cet apaisement politique a permis le développement économique du pays nord-irlandais.
L'un des symboles de cette réconciliation est assurément la Queen's University, institution créée en 1845 par la Reine Victoria. Dès sa fondation, Queen's, comme on apprend vite à l'appeler, accueillit sans discrimination Catholiques et Protestants et, aujourd'hui encore, les jeunes gens de toute confession y cohabitent harmonieusement, laissant de côté la politique pour se consacrer à leurs études. Queen's compte quelque 25'000 étudiants et sa réputation académique n'est plus à faire au Royaume-Uni. A chaque fois que je franchissais l'entrée du magnifique bâtiment principal de l'université (l'un des chefs d'oeuvre architecturaux de Belfast), je me sentais immédiatement chez moi, dans un havre de paix au coeur de la ville. Je consacrais alors sans difficulté des heures à étudier paisiblement à la bibliothèque Seamus Heaney (poète, ancien élève de Queen's et Prix Nobel de littérature), à errer dans les Botanic Gardens adjacents ou à me dépenser dans le centre sportif de l'Université.
Il fait bon vivre à la Queen's University, de même qu'il fait bon vivre à Belfast. Malgré un développement économique et urbain fort depuis la fin des années 1990, Belfast est resté une ville à l'échelle humaine et mes trajets se faisaient systématiquement à pied ou à vélo, un luxe dans une capitale européenne. Contrairement à Dublin, sa grande soeur du Sud (à seulement deux heures de train), Belfast ne grouille pas de touristes et a su garder son authenticité. Certes moins riche de monuments ou de musées, elle est encore marquée par le conflit irlandais, alors que Dublin semble avoir pansé ses plaies.
La réussite d'un échange universitaire se juge aussi par la vie nocturne et je n'ai pas non plus eu à me plaindre à ce niveau-là. La ville est réputée pour son «craic» (expression nord-irlandaise synonyme de «fun») et les pubs ne manquent évidemment pas. Parmi les moments gravés dans ma mémoire, il y a ce match de rugby, un dimanche matin au Botanic Inn, où les Guinness ont remplacé mon déjeuner. Ou ces soirées à danser frénétiquement au son de la musique traditionnelle au Fibber Magees ou à écouter un concert de jazz à l'Empire, ancienne église devenue temple de la nuit nordirlandaise.
Mais, à mon avis, rien ne pourra remplacer les «house parties» de Belfast. La plupart des étudiants habitent en colocation (de 4 à 5 personnes) dans des maisons de type anglais, avec petit jardin et arrière-cour. Les prix y sont en effet beaucoup plus intéressants que dans les logements universitaires et le bouche-à-oreille permet de trouver facilement une bonne coloc'. Les fêtes qui s'y déroulent régulièrement le vendredi soir et qui auront forcément lieu une fois dans ta maison, voient passer des centaines d'étudiants en une seule soirée et ont un goût unique. Notamment quand il s'agit de nettoyer le chantier laissé par les «invités» le lendemain.
Si j'ajoute à ce portrait les virées à Derry (ville du fameux Bloody Sunday), à la Chaussée des Géants (merveille géologique) ou à la distillerie de whisky Bushmills, je crois pouvoir affirmer que mon année à Belfast fut une expérience magnifique et fondatrice, aussi bien académiquement que personnellement.
Des liaisons fréquentes et peu chères sont assurées entre Genève et l'aéroport international de Belfast.
Les logements universitaires de Queen's sont à déconseiller étant donné leur prix et leur confort parfois sommaire. Par contre, la colocation d'une maison sur deux voire trois étages avec quatre à cinq personnes semble le deal idéal pour le budget étudiant et l'ambiance. Possibilité de rester les premiers jours dans l'une des auberges de jeunesse de Belfast, le temps de trouver une bonne coloc'.
Le coût de la vie au Royaume-Uni est légèrement plus élevé qu'en Suisse. En évitant les abus et en bénéficiant de la bourse Erasmus, le prix du séjour devrait être comparable à la Suisse.