Dix ans qu'un programme fédéral pour l'égalité des chances a été mis sur pied (voir encadré). Dix ans que des délégués à l'égalité ont été nommés dans chaque université et haute école de Suisse. Dix ans que des millions de francs sont destinés à promouvoir l'ascension des femmes au sein de la hiérarchie académique. Mais pour quels résultats concrets?
«L'objectif du Programme fédéral d'atteindre 25% de femmes professeurs en 2012 ne sera pas atteint. Il faut donc continuer les efforts», explique Geneviève Le Fort, déléguée à l'égalité des chances de l'Université de Neuchâtel. La bataille est loin d'être gagnée donc. Les disparités restent importantes et, même si les mentalités évoluent, les habitudes ont la vie longue. Cependant, pas question de renoncer: «Grâce au programme fédéral égalité des chances, un nombre important de projets ont pu être mis en place avec succès depuis 2000», explique Hélène Füger, responsable du Service de l'égalité de l'Université de Fribourg. «Dans les années à venir, il faut poursuivre le financement de ces mesures et veiller à bénéficier davantage de l'expérience et du savoir accumulé durant ces 10 dernières années».
«Viser 25% de femmes profs, ce n'est pas grandchose si on pense que la majorité des étudiants sont des étudiantes. Pourquoi ne retrouve-t-on pas cette proportion à tous les échelons?» Geneviève Le Fort pointe ici très simplement le noeud du problème. Alors que les femmes sont généralement plus nombreuses que les hommes sur les bancs d'école, leur nombre dégringole à mesure que les échelons s'ajoutent. Selon les relevés de l'Office fédéral de la statistique (OFS) pour 2008, elles perdent leur majorité dès le rang d'assistant et collaborateur scientifique (40%). Pour atteindre, au final, 15% des professeurs.
Carine Carvalho, chargée de mission à l'Université de Lausanne, témoigne de ce problème: «Les disparités en termes des sexes à l'université sont plutôt verticales qu'horizontales». La séparation encore très marquée, il y a dix ans, entre études littéraires pour les femmes et études scientifiques pour les hommes, a aujourd'hui presque disparu. Les frontières entre les filières ont été ouvertes, mais le fameux «plafond de verre» reste solidement ancré. Un plafond fait de barrières psychologiques, sociologiques et matérielles imbriquées de manière très complexe.
Pour se faire une place et progresser dans le monde académique, rien ne vaut un solide réseau social. La recommandation d'un professeur, le petit coup de pouce d'un collègue ou un carnet d'adresses fourni sont autant de compétences informelles, mais au combien précieuses, lorsqu'il s'agit de défendre une candidature. Et, au grand dam de l'égalité, les femmes partent souvent désavantagées. Car dans un monde à prédominance masculine, les hommes sont reconnus et encouragés par leurs pairs, alors que les femmes doivent faire leurs preuves.
C'est pour contrebalancer cet univers de camaraderie masculine que la Suisse romande a développé des réseaux sociaux et des programmes de mentoring réservés aux femmes. StartingDoc permet de mettre en relation une personne expérimentée et une personne qui s'engage dans la recherche, afin que cette dernière profite des contacts, des conseils et de l'attention de sa mentore. Pour sa part, le réseau REGARD soutient la formation continue et la relève académique féminine.
Autre champ de bataille qui déborde largement du domaine académique pour les partisans de l'égalité: la vie de famille. Car la société a beau évoluer, lorsqu'il s'agit de pouponner, ce sont encore le plus souvent les femmes qui s'y collent. Et face aux obstacles qui se dressent devant celles qui veulent mener de front carrière et vie de famille, beaucoup font le choix de sacrifier l'une pour l'autre.
«Pour améliorer la conciliation entre études, carrière académique et vie familiale, l'Université de Fribourg a agrandi sa crèche, et offre aux employés un service de garde gratuit pour la garde d'enfants malades», explique Hélène Füger. L'Université de Lausanne dispose de deux garderies qui accueillent les jeunes dont un des parents au moins travaille ou étudie à l'EPFL ou à l'UNIL. Neuchâtel n'est pas en reste puisque l'université propose diverses solutions de garde et d'accueil parascolaire. Malgré tous ces efforts, les jeunes parents payent encore trop souvent un lourd tribu. «Les conditions cadres et perspectives de carrière demeurent souvent dissuasives pour concilier carrière académique et vie familiale. C'est un facteur qui commence, quoique à un degré nettement moindre, à affecter également les carrières masculines», déplore Hélène Füger.
Vous l'aurez compris, les femmes peinent encore à atteindre les sommets de la hiérarchie académique. Manque de soutien, d'encouragement, de reconnaissance et d'aide matérielle sont à pointer du doigt. Mais, il s'agit de ne pas tout voir en noir! Les dix dernières années ont vu les mentalités évoluer plus vite que la situation réelle, certes. Mais la machine est lancée et elle ne semble pas prête de s'arrêter. Petit à petit, les femmes s'organisent, avec ou sans leurs collègues masculins. Les jeunes étudiantes sont encouragées et soutenues dans leurs ambitions. Chaque haute école et université s'est dotée d'un ou d'une délégué(e) à l'égalité. Et, tant est qu'ils le souhaiteraient, les politiciens ne peuvent revenir en arrière. L'égalité des chances est inscrite dans la Constitution et c'est à nous tous, hommes et femmes, de la pratiquer chaque jour, partout, pour qu'elle entre de plein pied dans la réalité.
Les hautes écoles de Suisse comptaient 185'000 étudiants pour l'année 2008/2009. Parmi eux: 49,9% de femmes et 21,8% d'étrangers.
En 2008, la Confédération a délivré 3200 doctorats, dont 41,4% à des femmes.
Au sein du personnel des hautes écoles suisses, les femmes représentaient en 2008:
Pour l'année 2009/2010, les femmes sont largement majoritaires en sciences humaines (65,7%) et en médecine et pharmacie (61,8%).
Elles ne sont que faiblement minoritaires dans les autres domaines (sciences, technique, économie et droit), la différence étant comblée par un pourcentage élevé d'étudiants étrangers (hommes et femmes confondus).
Mis en place en 2000 par l'Office fédéral de la formation professionnelle et de la technologie (OFFT), le programme fédéral Egalité des chances entre femmes et hommes dans les HES poursuit deux buts. D'une part, l'intégration du principe de l'égalité comme critère de qualité dans la stratégie des HES, en lui associant des programmes concrets de mise en oeuvre. Et d'autre part, l'augmentation du nombre de femmes dans les HES: étudiantes, mais aussi enseignantes et chercheuses.
Afin de mener à bien ce programme, la Confédération a alloué un budget de 10 millions de francs, qui a été renouvelé trois fois, suivant les trois phases du programme. Celui-ci s'achèvera en 2012. Rien n'est encore prévu pour la suite.
Ce programme a permis la nomination de délégués à l'égalité dans chaque haute école suisse. Ainsi que le financement de multiples projets particuliers tels que: des cours «genre» dans de multiples universités; des séminaires internationaux pour femmes des métiers du bois et de la construction à Berne; des journées «career women; des tables rondes virtuelles sur le thème les femmes et la technique à Zürich; et la liste est loin d'être exhaustive!