Cher lecteur, tu rêves de mener la vie dure à cette personne qui vit avec toi ? Tu espères secrètement que cet être encombrant fasse des cauchemars en pensant à toi ? Tu as pour objectif dans la vie de gagner l'oscar de l'être humain le plus exécrable ? Alors cet article est fait pour toi. Voici quelques conseils pour faire fuir à jamais ton ou ta colocataire. |
Il n'existe rien de plus parfait qu'un colocataire qui se préoccupe de l'hygiène de son appartement. Pour rentrer totalement dans ce rôle, tu peux sans problème te passer de faire le ménage pendant trois semaines d'affilée. Ne te gêne pas de laisser traîner ta vaisselle sale dans l'évier. Signe ton passage dans la salle de bains à grandes traces de dentifrice dans le lavabo. Sens-toi à l'aise en exposant tes vêtements (propres ou sales, tu as le choix) sur le canapé du salon. En bref, fais l'impasse totale sur le nettoyage. Prétexte un manque de temps ou une surcharge colossale de travail si un certain gêneur t'en demande la raison. Avec le temps, la cuisine va vite se changer en dépotoir, le salon en champ de bataille et les toilettes en décharge pour déchets toxiques.
Et quand ton colocataire finira par craquer et qu'il fera le ménage à ta place, profites-en pour placer un commentaire du genre:«Ah ! ben c'est pas trop tôt. C'était quand même ton tour de nettoyer.» Cela dit, prévois un parapluie au cas où le gêneur, excédé, te lancerait l'eau de javel en pleine figure.
Quand on rentre des cours, on apprécie toujours de trouver un frigo et des armoires remplis de bonnes choses pour combler le creux dans notre estomac. La nourriture n'apparaissant cependant pas toute seule, il t'appartient de prendre les choses en main, cher lecteur. Ainsi, pour combler le gêneur, il est conseillé de boulotter systématiquement tous les aliments qu'il ramène durement des commissions. Ne te formalise pas de la mine excédée qu'il risque d'afficher lorsqu'il se verra contraint de retourner faire les courses. Ne lui propose évidemment pas ton aide pour cette tâche ingrate. Profite le plus possible de ce livreur non payé. Et surtout, continue de grignoter ses réserves. Lorsque le gêneur aura compris ton subtil manège, il risque toutefois de cacher ses provisions. Tu n'auras alors pas d'autre choix que de te remettre à fréquenter les supermarchés. Dans cette dure épreuve, console-toi en pensant que tu as inoculé au gêneur la phobie du frigo.
Il est toujours agréable de se retrouver au calme dans son appartement, loin des salles de classe bondées et des étudiants bruyants. Pour aider ton colocataire à se sentir parfaitement à son aise, il est chaudement recommandé de lui coller aux basques. Tel le fidèle Rantanplan, suis-le comme si tu étais son ombre. Ne lui laisse pas une minute à lui. Pour ce faire, n'aie aucune honte à prendre sa chambre comme résidence secondaire. Lance-toi dans de grandes discussions tout en testant le moelleux de son lit. Touche à toutes ses affaires et déplace-les distraitement d'un endroit à l'autre. N'hésite surtout pas à abuser de son hospitalité. Tu remarqueras qu'après de nombreuses heures à t'écouter poliment déblatérer sur tes incertitudes existentielles et tes problèmes de jeune adulte, le gêneur risque cependant de te mettre à la porte.
Pour augmenter encore le malaise de ton voisin de chambre, choisis d'être bruyant à toute heure du jour et de la nuit. N'hésite pas à t'entourer des meilleures fréquentations (les fêtards à voix puissante sont particulièrement recommandés pour cet usage). Ne te préoccupe pas des heures de sommeil nécessaires au gêneur. Après quelques jours et si sa tête n'explose pas, celui-ci risque bien de mettre fin définitivement à votre relation.
Pourquoi vivre dans la paix et l'harmonie alors qu'on peut engendrer la crainte et faire régner le chaos? Voilà une question très pertinente, cher lecteur. Et comme tu en meurs d'envie, plutôt que de disserter sur les bienfaits d'un dialogue constant entre colocataires, je vais plutôt t'initier aux arcanes de la non communication.
Pour commencer, sache qu'il n'y a rien de plus rageant que de se retrouver en face de quelqu'un qui n'a aucune envie de parler et qui ne le cache pas. Afin que ton colocataire assimile bien ce sentiment, abstiens-toi d'engager la conversation avec lui. S'il daigne tout de même te parler, réponds par monosyllabes ou par grognements.
Très vite, le gêneur risque de se demander si le problème vient de lui, ce qui aura pour effet de lui faire connaître un nouveau sentiment : la remise en question. Profite de sa position de faiblesse pour lui faire regretter un peu plus d'être en colocation avec toi. Pour communiquer, laisse-lui de petits messages papiers disséminés dans l'appartement et évite de le croiser. Au besoin, tu peux même envoyer une tierce personne lui parler à ta place.
Crois-moi, à ce stade, ton colocataire voudra plus que tout au monde se séparer de toi. Tu seras alors victorieux mais tu devras, jusqu'à votre séparation, vivre avec un gêneur fort d'un nouveau sentiment: la colère. Eh, ne m'en veux pas, cher lecteur! Je n'ai jamais dit que l'art de la non communication était sans danger.