Les résultats du projet «Etudiants handicapés dans les universités suisses» (2004, Hollenweger et al.) font figure de référence pour appréhender leur situation. Elève de Judith Hollenweger au moment du développement, Olga Meier a assuré sa succession dès 2003 pour le compte de l'Office de conseil et d'études sur le handicap de l'Université de Zurich (UZH). |
Olga Meier, avez-vous suivi l'évolution de la problématique depuis 2004?
Le projet visait à analyser la situation des étudiants handicapés en Suisse. Trois établissements ont participé en collectant des données auprès de leur effectif: les Universités de Bâle et Zurich et la Haute Ecole Pédagogique de Zürich. Les résultats ont été du plus haut intérêt pour mon travail à l'Office de conseil et d'études sur le handicap. J'ai non seulement suivi le développement de la situation après 2004, mais j'ai aussi travaillé pour l'améliorer, étape par étape.
Comment jugez-vous les efforts fournis depuis lors par les hautes écoles?
Lors de l'entrée en vigueur de la LHand (loi sur l'égalité pour les handicapés) le 1er janvier 2004, nous espérions que la participation des personnes porteuses d'un handicap aux hautes études serait de plus en plus considérée comme une problématique en soi. A travers cette loi se profilait une définition basée sur un modèle interactif du handicap, englobant les inégalités, les problèmes de discrimination ainsi qu'une déclaration sur ce qu'impliquent ces obstacles durant l'éducation et la formation (LHand, art. 2).
Malheureusement, la LHand se contente de fournir des lignes directrices essentiellement applicables aux structures fédérales. Elle n'a donc qu'un impact collatéral dans le cadre de l'enseignement supérieur. Pour éliminer les inégalités, seule la présence de dispositions similaires dans les lois cantonales et sur l'éducation pourrait conduire à une stratégie ascendante. La prochaine étape devrait permettre de créer les instruments nécessaires et d'adapter les infrastructures des établissements. Alors seulement nous pourrons parler d'efforts effectifs, même s'il faut reconnaître que certaines hautes écoles se sont déjà engagées de façon remarquable.
Les «antennes» créées au cours des dernières années font-elles un bon trava il en matière d'évaluation des besoins des étudiants porteurs d'un handicap? Les bureaux d'information ou autres offices pour les étudiants handicapés ne sont pas foison. Qui plus est, leur expertise doit encore être améliorée. Or, ce champ de travail est complexe. Cela s'explique notamment à travers trois aspects.
D'une part, le groupe des étudiants handicapés est très diversifié. Outre les déficiences auditives, visuelles ou en matière de mobilité, de nombreux étudiants sont atteints de problèmes de santé mentale, de maladies chroniques, de difficultés spécifiques d'apprentissage comme la dyslexie, ou encore du syndrome d'Asperger.
D'autre part, les «besoins» des étudiants handicapés sont à considérer individuellement. L'environnement influe grandement sur leur situation et chacun développe ses propres stratégies pour faire face.
Enfin, leurs «besoins» sont façonnés par la structure de l'enseignement supérieur qui se trouve elle-même dans un processus de changement avec l'intégration du système de Bologne.
Les risques de discrimination sont-ils toujours aussi élevés aujourd'hui?
C'est difficile à estimer, mais on peut penser que les risques diminuent et que la prise de conscience s'accroît. Quoi qu'il en soit, ils sont fonction de nombreux facteurs. L'accès à l'enseignement supérieur pour les jeunes handicapés commence aux niveaux primaire et secondaire, où ils doivent recevoir les compétences nécessaires et les qualifications pour étudier. Les jeunes présentant une déficience doivent également être conscients de leurs droits, ce qui suppose une politique d'information active sur «les études et le handicap». Parallèlement, les établissements d'enseignement supérieur doivent développer des codes de pratique et des lignes directrices pour assurer l'accès de ces étudiants. Enfin, la coopération entre les systèmes de soutien des établissements d'enseignement supérieur et les autres systèmes de soutien (l'assurance-invalidité, les technologies d'assistance, etc.) doit fonctionner de manière transparente.
Les résultats du projet ont-ils eu des répercussions sur la politique académique en matière de handicap?
Oui, mais pas directement et pas dans l'immédiat. Dans les premières années de mon travail à l'Office de conseil et d'études sur le handicap, je raisonnais en
m'appuyant sur les données et les recommandations du projet de Hollenweger et al. Les résultats n'étaient pas très encourageants. Le nombre d'étudiants handicapés a augmenté au cours des années suivantes, comme le montre le nombre de demandes de consultation auprès de l'Office de conseil et d'études sur le handicap: de 21 étudiants en 2003 à 120 en 2009. Ainsi, j'ai pu utiliser ces données et l'expérience acquise en matière d'assistance et de conseil afin de développer une stratégie pour une «université accessible». Après la publication du «Disability Statement» en 2006, l'étape principale en faveur de «l'accès pour tous» a consisté en l'insertion d'un paragraphe sur l'égalité des chances pour les personnes handicapées dans le règlement de l'UZH en 2009. Cela s'inscrit pleinement dans l'esprit du projet d'Hollenweger et al.