Avec «L'Auberge espagnole», le réalisateur français a grandement alimenté l'imagerie estudiantine. Il revient pour etudiants.ch sur l'un de ses plus gros succès.
«L'Auberge espagnole» évoque en toile de fond la mobilité estudiantine et la cohabitation multiculturelle. Qu'est-ce qui vous a motivé à traiter ce sujet?
Juste l'observation. D'une part, j'ai fait des études à New York (NYU Film School) et j'ai vu ce que c'était d'être un étudiant qui part à l'étranger à 23 ans. D'autre part, ma soeur est partie par la suite à Barcelone dans les premières années du programme Erasmus. J'ai habité dans son appartement pendant une semaine et ça a été le vrai point de départ. Elle cohabitait avec cinq personnes ayant chacune une nationalité différente.
En voyant ça, j'ai eu l'intuition que quelque chose d'important se passait là, je sentais que c'était le début d'une nouvelle génération d'étudiants. ça s'est avéré exact...
Il faut savoir que quand j'avais 18 ans, partir ailleurs ça voulait dire aller dans une autre région en France et ça ne se faisait même pas beaucoup. Pouvoir aller dans un autre pays, c'était trop «exotique» jusque dans les années 80. C'est vraiment quelque chose qui est né avec le programme Erasmus en 1987 grâce à l'initiative de Jacques Delors à la commission européenne.
Aujourd'hui, plus de deux millions d'étudiants européens ont suivi ce programme et je crois qu'on ne juge pas encore assez à quel point les relations européennes et l'idée même de mobilité ont été bouleversées depuis.
Vous êtes-vous inspiré d'une expérience personnelle?
Oui, dans «L'auberge espagnole», j'ai transposé les choses que j'ai vécues en partant à New York, la copine que j'ai quittée à Paris avant de partir, la fête que mes copains de New York ont organisée pour moi avant mon départ, etc.
Colocation et expérience internationale s'inscrivent dans la culture estudiantine. De fait, «L'Auberge espagnole» est devenu une référence pour beaucoup d'étudiants. Est-ce gratifiant pour vous?
Bien sûr, je n'arrête pas de croiser des gens qui me disent: «J'ai été passer un an en Ecosse après avoir vu «L'Auberge espagnole»». Ou des parents: «A cause de vous mon fils est à Barcelone cette année...» J'en suis évidemment très fier parce que personne ne fait vraiment la publicité de ça alors que tout le monde sait que «les voyages forment la jeunesse». Pour moi, il n'y a rien de plus formateur que le voyage. Je ne connais personne qui ait détesté son année en Erasmus. Je pense que partir ailleurs à 20 ans c'est forcément une des expériences les plus excitantes de la vie. Donc si en tant que réalisateur, j'ai influencé la vie réelle des gens, oui c'est gratifiant. En général, quand on est réalisateur, au mieux on fait rire, pleurer ou réfléchir. Là, avec «L'Auberge espagnole», je sens que c'est un peu plus...
A grands traits, comment auriez-vous dépeint un étudiant suisse dans «L'Auberge espagnole»?
En fait, je ne suis pas parti d'idées préconçues. C'est venu des acteurs que je choisissais et du regard que les autres avaient sur eux. J'ai fait des castings à Berlin, à Copenhague, à Rome, à Barcelone, à Londres, etc. En fonction de qui ils étaient humainement, je poussais des aspects de leur personnalité qui étaient liés à leur identité nationale. Par exemple, je m'étais dit que ce serait drôle si Soledad, la fille espagnole, sortait avec Lars, le garçon danois. Elle va être explosive et sanguine, et lui très calme et posé... Ce n'était pas un avis que j'avais en général sur les Danois ou les Espagnoles, je partais de ces deux personnes là et c'était vrai...
Avez-vous un message à l'attention des étudiants?
Souvent, les études sont ressenties comme un moment de violence où il ne faut accomplir que des choses qu'on n'aime pas faire. Donnez-vous aussi du temps pour les choses que vous aimez faire! Je trouve que quand on a entre 20 et 30 ans c'est «l'âge des possibles». Il faut essayer des choses. Même si on se trompe, on a tout le temps par la suite pour rectifier le tir. Il faut faire confiance à ses désirs, ne pas trop se limiter.