Rotterdam, Paris, Oxford, Bâle. Allez dire au père Erasme que son CV n’impressionne plus personne! Les étudiants suisses n’ont plus à rougir devant ce «citoyen du monde» car depuis l’adhésion de la Confédération helvétique au programme ERASMUS (European Region Action Scheme for the Mobility of University Students) en 1991, la proportion d’universitaires ayant accompli un séjour à l’étranger aura presque doublé, atteignant près de 23% des étudiants en 2006 selon l’Office fédéral de la statistique (OFS).
L’idée d’un enseignement universel ne date pas d’hier. L’histoire est jalonnée d’exemples caractéristiques de la volonté des grandes puissances d’exporter - à dessein stratégique - langue, valeurs et normes à travers l’éducation de la jeunesse alliée comme ennemie. Le général Gallo-Romain Aétius, futur vainqueur des troupes barbares, fut lui-même formé à la cour du roi Goth Alaric.
Quelques siècles se sont depuis écoulés et les empires guerriers sont devenus les nouveaux empires commerciaux. Le champ de bataille économique désormais mondialisé, les nations doivent faire face à de nouveaux enjeux: compétitivité, attractivité, productivité.
Le développement considérable de la mobilité estudiantine – de 108’000 étudiants en 1950 à 1.7 million aujourd’hui – doit être observé selon différents aspects. Un processus d’échange est par définition le résultat de la rencontre d’intérêts privés et publics.
D’un côté, l’étudiant qui fait face à un marché du travail de plus en plus flexible doit désormais faire ses preuves selon les critères toujours plus sévères de la mondialisation. L’universitaire nouvelle génération devra maîtriser plusieurs langues, faire preuve de qualités d’adaptation sans pareilles et avoir un carnet d’adresses issu de tous horizons. En effet, la société dite postmoderne du XXIe siècle se caractérise par une structure en réseau où l’information et la connaissance circulent de plus en plus rapidement d’un «noeud» vers un autre. L’étudiant ou le jeune chercheur jouant un rôle central en tant que vecteur de savoir devra ainsi «tisser sa toile» au-delà de toutes frontières si celuici désire rester performant dans une société globalisée. De fait, une vision d’avantage marchande pourrait se substituer petit à petit à la dimension humaniste, voire au côté purement aventurier que peut représenter une démarche
d’échange.
De l’autre côté du grand échiquier se trouvent alignés les Etats qui envoient et reçoivent les cerveaux du monde entier. La problématique du «brain drain» reste plus que jamais d’actualité tant les pays en voie de développement sont à la fois les plus nécessiteux en capital humain et les plus sujets à leur fuite. On retrouve ici encore une dimension relativement commerciale dans l’attrait que représentent les étudiants pour le pays d’accueil.
Finalement, si on remarque une réelle convergence de motivations entre les domaines public et privé, c’est au constat d’un certain étiolement des idéaux du passé. Les Lumières, il y a trois siècles déjà, avaient rêvé de cette «République des idées» mondiale que pourraient aujourd’hui nous offrir les incroyables possibilités d’échange et les nouvelles technologies de l’information.
Force est de reconnaitre que nous nous en éloignons de plus en plus. Donneronsnous tort à ce cher Oscar qui énonçait fièrement que «Le progrès n’est que l’accomplissement des utopies»?