Vous dirigez un département souvent sous les feux de l'actualité, notamment en relation avec le budget de
Depuis la chute du Mur de Berlin, la situation a effectivement fondamentalement changé. Les priorités ne sont plus les mêmes. Certes, il est impossible d'exclure tout conflit de «type classique» sur le continent européen, mais cette menace n'est guère vraisemblable à court, voire à moyen terme. Aujourd'hui, le terrorisme, la prolifération des armes de destruction massive et les catastrophes naturelles forment le noyau des menaces les plus vraisemblables. Face à cette réalité, notre armée a besoin de souplesse et doit pouvoir s'adapter rapidement aux besoins et à l'évolution des dangers et de la menace. La mise en place d'Armée XXI répond à cette exigence. Cette souplesse permet à l'armée suisse de conserver un noyau de compétences s'agissant du cas de défense «classique» tout en offrant aux autorités civiles des solutions adaptées lorsque celles-ci ont besoin d'être secondées. Pensez aux inondations de 2005 ou à l'organisation de l'Euro l'an prochain. J'ajoute que cet outil de défense souple et efficace sert les intérêts de notre pays en tant qu'état neutre. Il suffit de penser au rôle essentiel joué par nos Forces aériennes qui, jour après jour, assurent la police du ciel, sans parler d'événements spéciaux comme le WEF à Davos. Pour le reste, il est extrêmement difficile de prévoir ce que sera la situation dans 10 ans ou 15 ans. C'est la raison pour laquelle et compte tenu de nos moyens financiers, nous devons miser sur la souplesse et la capacité d'adaptation.
L'armée est souvent perçue comme un problème vis-à-vis des jeunes en formation : entre l'école de recrues ou les cours de répétition qui chevauchent des périodes de cours ou d'examens, il n'est parfois pas facile de trouver de bons compromis. A terme, cette situation va-t-elle se modifier ? Quelles sont les solutions pour les jeunes qui doivent concilier obligations militaires et des études toujours plus exigeantes?
Il ne faut pas le nier : la cohabitation entre les obligations militaires et les plans d'études n'est pas facile. Le problème n'est pas nouveau, mais, aujourd'hui, la fréquence des examens d'un côté, la concentration des périodes de service sur quelques années de l'autre ne facilitent pas les choses. Dans ces conditions, il est difficile de trouver des solutions qui puissent satisfaire toutes les parties en permanence. Chacun «doit y mettre du sien», la souplesse doit être le maître mot. Pour l'armée, le souci de trouver des solutions est permanent. Cette année, le début des écoles de recrues d'été a été avancé. Les étudiants ont la possibilité de fractionner leur école de recrues en deux parties. D'autres possibilités existent pour ceux qui veulent«grader» ou pour des fonctions spéciales telles que les futurs médecins.
Par ailleurs, l'armée veut favoriser les synergies possibles entre le civil et le militaire en matière de formation. L'instruction dispensée aux jeunes qui «gradent» doit leur servir dans le civil. L'économie doit aussi pouvoir profiter de cette formation. Ainsi, certains modules de formation des cadres de milice font l'objet d'une certification dont le bénéficiaire peut se prévaloir dans le civil. De plus, au niveau du contenu, la formation dispensée aux cadres de l'armée met l'accent sur des aspects qui jouent un rôle de plus en plus important dans la vie professionnelle, comme, par exemple, les compétences sociales.
On l'oublie trop souvent, vous êtes également le ministre des sports de notre pays ; quelles sont les grandes mesures entreprises pour la promotion du sport auprès des jeunes ?
Face à des phénomènes comme la surcharge pondérale chez les jeunes ou la baisse de l'activité physique, les efforts sont nombreux, permanents. Des exemples ? Depuis 3 ans, l'opération «L'école bouge» encourage les classes et les écoles à mettre sur pied une activité physique quotidienne en plus des cours de gym. Cette année, un millier de classes participent à l'opération. Au niveau de la relève, plus de 500 sportifs et sportives issus d'une quarantaine de fédérations sportives se sont entraînés récemment pendant une semaine à Tenero, le Centre sportif national de la jeunesse. Il faut savoir que, chaque année, la Confédération consacre quelque 9 millions de francs à la relève. La Suisse peut par ailleurs se féliciter de la réussite du concept «Jeunesse et sport», lequel touche 550.000 jeunes entre 10 et 20 ans, pour un investissement annuel de 50 millions. En parallèle, nous nous battons pour que les cantons ne négligent pas, dans leurs programmes scolaires, les heures consacrées à l'enseignement et à la pratique du sport. Et il ne faut pas oublier que l'armée, elle aussi, apporte sa contribution : l'école de recrues pour les sportifs d'élite est un élément d'une politique qui vise à concilier, dans la mesure du possible, les obligations militaires et la pratique du sport.
Votre département a également à sa charge
Je viens de mentionner Tenero, au Tessin, qui accueille plutôt les jeunes alors que les adultes se rendent à Macolin. Ce site abrite, avec la Haute école fédérale de sport, la plus grande institution académique de Suisse dans le domaine des sports. Ses activités sont réparties entre la formation, le soutien au sport d'élite ou encore la recherche appliquée. Mais Macolin abrite aussi des installations sportives de pointe, s'occupe de prévention du dopage, gère la plus grande médiathèque de Suisse dans le domaine du sport et, plus généralement, s'occupe de la mise en oeuvre de la politique du sport définie par les autorités politiques.
Pensiez-vous que le discours que vous avez tenu en 2005 à Tunis, où vous avez vivement défendu la liberté d'expression, puisse avoir des échos aussi importants ? A ce titre, la liberté l'expression a-t-elle progressé depuis?
Je l'espère tout en sachant que la liberté d'expression exige un engagement permanent. Pour le reste, j'ai été un peu surpris par l'écho suscité à l'époque par mes propos. Et votre question montre que cet écho ne s'est pas encore dissipé. Cela dit, les «conditions» qui ont entouré cette allocution, le fait que certains aient cherché à restreindre sa diffusion, ont certainement contribué à renforcer cet écho plutôt qu'à le réduire. Mais je ne m'en plains pas…
La politique suisse ne semble pas faire partie de la préoccupation de nombreux jeunes. Selon vous, quelles en sont les raisons et quelles seraient les recettes pour raviver la flamme ?
Je ne suis pas certain que les jeunes se désintéressent de la politique. Les contacts que j'ai avec des jeunes me font penser que ce n'est pas le cas. Cela dit, nous devons être vigilants, veiller à les intéresser à la politique. En cherchant le contact avec eux tout d'abord. En prenant soin, ensuite, d'expliquer la politique. Et en donnant envie aux jeunes de faire de la politique. Pour susciter des vocations, il appartient aux politiciens d'être en quelque sorte «exemplaires». Je ne suis pas certain que la confrontation à tout prix, la personnalisation exagérée du débat et la recherche de solutions«prêtes-à-porter» soient, à la longue, des arguments qui incitent les jeunes à s'intéresser à la politique.
En conclusion, quel message souhaitez-vous transmettre aux étudiants qui viennent de vous découvrir à travers ces quelques questions?
Que le monde ne se lit pas en noir ou en blanc. Que celui qui crie le plus fort n'a pas toujours raison. Qu'en démocratie, le progrès a besoin de temps et est rarement le fils de la précipitation. Que chacun a des droits, mais aussi des devoirs.