Un parcours atypique
Avant d'accéder à la tête de l'OFFT, la carrière d'Ursula Renold a passé par différentes étapes. A commencer par un apprentissage de commerce, suivi d'une formation académique en histoire, économie politique et sociologie. Après un doctorat, elle occupe la direction de différentes institutions. Sa nomination comme directrice de l'OFFT par le Conseil Fédéral intervient en 2005. Aujourd'hui elle donne occasionnellement des lectures à l'Université de Fribourg.
interview
Ursula Renold est une femme rayonnante qui en veut. La séance a commencé depuis quelques secondes et son charisme s'est imposé, naturellement. Présentation de l'une des 2 directrices d'un office fédéral, chose trop rare pour oublier de le signaler...
Pouvez-vous nous résumer les principales missions de l'OFFT?
La stratégie de l'Office Fédéral de la Formation et de la Technologie (OFFT) est axée sur 3 missions : la formation professionnelle : que ce soit au niveau du développement ou de la validation du système, l'OFFT collabore avec les cantons et les associations professionnelles pour assurer la qualité et la promotion de l'apprentissage. Nous souhaitons augmenter le nombre de places d'apprentissage, assurer la promotion de la formation professionnelle, mais aussi intégrer dans cette dynamique les formations de la santé, du social et des arts. les HES (hautes écoles spécialisées) : en quelques mots : donner aux formations axées sur la pratique leurs lettres de noblesse au niveau des paysages suisse et international des hautes écoles. Nous collaborons avec le Secrétariat d'Etat à l'Education et à la Recherche (etumag001) avec lequel nous avons défini les lignes directrices des réformes de Bologne. la promotion de l'innovation : les hautes écoles spécialisées sont l'exemple de recherche appliquée ; l'objectif est de favoriser le transfert du savoir et de la technologie entre les hautes écoles et les entreprises.
Au niveau des HES, quelles sont les améliorations à apporter par rapport aux dernières réformes?
Contrairement aux universités, les hautes écoles spécialisées sont relativement jeunes. Les réformes de Bologne que nous avons entreprises l'année passée vont nécessiter des ajustements à moyen terme. Ne l'oublions pas, l'objectif de cette mutation est de permettre plus de mobilité, qu'un étudiant puisse commencer dans une HES et finir ses études dans une Université. Bologne signifie ouverture et qualité, mais dans la pratique, cela ne va pas être si simple. D'un côté, nous avons des étudiants avec des connaissances pratiques importantes et de l'autre, des étudiants possédant une culture générale très importante. Le chemin est encore long !
Selon vous, quelle est la position de notre pays en terme de formation et de technologie?
Notre pays figure dans le peloton de tête a ce niveau. Mais nous devons consentir à de nombreux efforts pour y rester. La concurrence internationale est rude et l'arrivée de pays émergeants est fulgurante. Nous ne pouvons donc pas nous endormir sur ce classement. C'est une des raisons pour lesquelles nous développons différents programmes de promotion dont le principal est l'agence pour la promotion de l'innovation (CTI), à travers le transfert technologique et la mise en place de projets de recherche appliquée.
Concrètement, quels sont les moyens mis en oeuvre?
Il faut permettre aux projets de quitter les laboratoires et de se développer dans les entreprises. Il faut tout d'abord encourager les projets de recherche appliquée et de développement (Ra&D) développés par les hautes écoles en collaboration avec différents partenaires (administration, organisation à but non lucratif ou secteur privé). Pour cela, l'évaluation des retombées économiques est un critère essentiel pour obtenir une aide. Entre 2001 et 2005, 1500 projets ont été soutenus pour un chiffre d'affaires de 930 millions de francs. La part des entreprises a été de 530 millions ; les subventions fédérales ne sont versées qu'aux hautes écoles.
Et venturelab?
C'est un des programmes que nous avons lancé pour enthousiasmer les étudiants dans l'aventure de la création d'une entreprise. En collaboration avec les Universités, les Ecoles polytechniques et les Hautes Ecoles Spécialisées, nous proposons des modules de formation. L'accent est mis sur la promotion individuelle de projets de start-up.
La CTI finalement, c'est une tête de pont entre la recherche et le monde du travail?
Clairement ! En accompagnant l'innovation, nous avons participé à la création d'entreprises et forcément, à la création de nouvelles places de travail. Sur 1500 projets examinés, plus de 140 ont reçu le label CTI Start-up qui ont créé plus de 4'000 emplois hautement qualifiés.
Les sciences humaines sont-elles aussi représentées à travers la CTI?
Comme je l'ai dit précédemment, notre nouvelle stratégie englobe également les sciences sociales, de la santé et des arts : donc oui, nous allons désormais aussi axer nos efforts de promotion dans ces domaines !
Ces moyens sont toutefois très axés sur les formations «techniques»!
C'est clair que la partie technologique est la plus visible. Mais comme je l'ai dit précédemment, un de nos objectifs est de mettre en avant les professions de la santé, du social et des arts. Cette démarche est essentielle pour ne pas élargir le fossé entre les différentes formations des hautes écoles. En y arrivant nous pourrons rendre les formations techniques plus attractives pour les femmes et les formations de la santé, du social et des arts plus attractives pour les hommes !
Quel message souhaitez-vous apporter aux étudiantes?
Je reprendrais les idées de la Conseillère Fédérale Doris Leuthard dans la présentation de ses prochains objectifs : nous souhaitons développer la possibilité de mener une carrière et une famille. Et pour y parvenir il sera nécessaire de développer des conditions cadres
... oui, mais si on se réfère aux réformes de Bologne, il est impossible de mener des études et une maternité!
Il est vrai que les réformes de Bologne vont sacrément raccourcir le temps des études et cela ne facilitera pas l'accomplissement d'une formation et d'une vie de famille. Ces préoccupations doivent être prises en compte. Cela fait partie de l'analyse de la réforme de Bologne et il faudra en tirer des conclusions. Bologne n'est pas un concept figé, il y aura certainement des ajustements à réaliser.
Pour conclure, quels sont les prochains enjeux de l'OFFT?
Nous en avons 3. Premièrement la nouvelle loi sur les hautes écoles (projet «paysage suisse des hautes écoles»). Le message sera rédigé en 2008. L'entrée en vigueur de cette loi est prévue pour 2012 avec plusieurs objectifs: le renforcement du système des hautes écoles l'harmonisation des offres d'enseignement l'amélioration de la qualité de l'enseignement et de la recherche Il ressortira de ces réformes une plus grande compétitivité, un financement plus transparent, une meilleure répartition des tâches entre les hautes écoles et un système de formation renforcé. Deuxièmement la réforme de la CTI. Nous allons disposer d'une nouvelle base légale nous permettant de jouer encore un meilleur rôle comme agence de la promotion à l'innovation. Nous allons avoir de meilleurs outils pour favoriser la sensibilisation, la création et le suivi de nouveaux projets. Grâce à ces réformes, nous parviendrons à maintenir notre pays à un haut niveau de compétitivité et favoriser la création d'emplois dans notre pays. Et finalement, il faudra mettre en oeuvre le «nouveau paquet FRI» (formation, recherche et innovation) dès 2008. Lors de la dernière session des Chambres fédérales à Flims, le débat a été long et le taux de croissance budgétaire a fait un yo-yo entre 4% et 10%. Finalement, le Conseil fédéral a décidé d'y consacrer une hausse budgétaire annuelle de 6%. Et grâce à ce crédit, nous allons pouvoir aller de l'avant dans de nombreux secteurs : poursuivre la coopération scientifique avec l'Union européenne garantir la croissance des effectifs dans les filières du degré tertiaire combler les retards dans la recherche appliquée et l'innovation
Votre message pour nos lectrices (... et nos lecteurs)?
Brand yourself! C'est mon leitmotiv. Si vous avez une idée, un projet ou si vous voulez décrocher un poste, c'est à vous de vous surpasser pour convaincre vos interlocuteurs. Cette démarche passe obligatoirement par une confiance en soi, en ses idées et en ses projets. C'est la condition sine qua non pour aller de l'avant et vous faire écouter.