co-fondateur et président du conseil d'administration de Logitech, Daniel Borel n'a de cesse de militer pour l'excellence en matière d'éducation et de la place scientifique suisse. Interview express avec l'instigateur du projet swissup |
Daniel Borel, quel regard portez-vous sur les différentes hautes écoles à l'heure des accords de Bologne?
De façon générale, la formation en Suisse est d'un très bon niveau, et c'est peut-être notre seule richesse. Ce capital humain, nous devons le faire fructifier. Plus notre pays pourra proposer des jeunes bien formés, plus les entreprises seront intéressées à y établir des centres de compétences: et économiquement parlant, cela signifie surtout des emplois à haute valeur ajoutée. Il est donc fondamental que la formation soit toujours au top niveau, même si parfois on a tendance à vouloir plus faire rimer ce mot avec dépenses qu'avec investissements ! Il faut interpréter les réformes de Bologne comme un passeport horizontal pour voyager et découvrir d'autres cultures et d'autres gens. Après mes études de Physique à l'EPFL, j'ai eu la chance d'obtenir une bourse pour étudier à l'Université de Stanford en Californie.
Il faut soutenir la mobilité et les programmes d'échange. La richesse des expériences hors de la Suisse est exceptionnelle. Les jeunes n'osent pas aller voir ailleurs; et ce ne sont pas quelques semaines de tourisme qui permettent de vivre ces expériences. Comment penser global si on n'est pas ouvert au monde? Pour s'en convaincre, il suffit de regarder ces Suisses qui ont gagné: par exemple Sulzer, leader mondial des moteurs de bateaux, n'est-ce pas incroyable pour un pays sans mer?
En comparaison à vos efforts pour la promotion de l'éducation, pensez- vous que les moyens mis à disposition par nos autorités soient suffisants?
L'engagement des autorités dans l'éducation est un débat qui existe depuis longtemps. Mais le passage à l'acte semble difficile ! Les chiffres le démontrent: sur dix ans, le nombre d'étudiants à doublé, mais les moyens investis affichent plutôt une courbe opposée. Je ne suis pas certain que cela soit adéquat: à l'heure de la globalisation, c'est un danger de ne pas investir suffisamment dans l'éducation ! Le capital humain est la seule richesse dont nous disposons.
Pensez-vous que les hautes écoles préparent suffisamment les étudiants à suivre vos pas: à devenir des entrepreneurs, à créer de la valeur et de l'emploi?
Je ne pense pas que ce soit la mission première des hautes écoles, bien que de plus en plus de cursus se développent sur ce thème. Nous formons des profils variés qui vont du chercheur à l'entrepreneur. Mais la Suisse peine encore à offrir un environnement stimulant aux entrepreneurs. Il suffit de comparer la situation dans d'autres parties du globe comme Taïwan, l'Irlande ou la Silicon Valley qui offrent aux start-up de la visibilité. Ces sociétés ont une image dynamique et fun. Il est alors plus facile dans ce contexte de se poser la question «pourquoi pas moi ?». Il nous manque des exemples qui interpellent les jeunes. Et pourtant il suffit d'un PC et d'une ligne ADSL pour créer un Yahoo ou un Google!
L'Irlande a réussi à prendre ce virage. Il y a quelques années, ce pays était plongé dans le chômage. Beaucoup de jeunes sont partis à l'étranger pour apprendre sur le terrain. Revenus chez eux, ils ont pu mettre leur expérience au profit des nombreuses multinationales qui s'y sont depuis installées (Dell, Microsoft, ...)
De l'autre côté, la Suisse est un pays riche et offre de belles opportunités de travail aux diplômés: alors pourquoi devraient-ils prendre des risques? Ne l'oublions pas, le moteur de tout entrepreneur demeure la passion, la passion qui fait prendre des risques. Mais pour cela il faut être prêt à des sacrifices: de longues journées de travail (week-end compris), des vacances qui n'existent plus et des salaires plutôt faibles. L'explosion de la bulle Internet en 2000 nous l'a clairement démontré; ceux qui avaient la passion ont survécu, ceux qui étaient là uniquement pour se faire de l'argent se sont cassé la figure!