Badiner pour oublier les petits tracas du quotidien. Tel semble être le credo d’Y.A (Pirouette), anciennement chercheur en physique et reconverti en Docteur ès rigologie. Le Genevois anime des séminaires de yoga du rire dans la cité de Calvin mais aussi au sein de grandes entreprises romandes. Interview entre rires et larmes!
Avant de découvrir le yoga du rire, vous étiez chercheur en physique, une activité plutôt sérieuse. Comment expliquez-vous cette surprenante reconversion?
J’effectuais des recherches sur l’énergie solaire, entouré de scientifiques trop sérieux. Un jour, j’ai contemplé le portrait d’Einstein en train de tirer la langue qui trônait sur mon bureau, et là j’ai eu comme un déclic. J’ai été littéralement illuminé par l’illustration comique. Je me suis alors rendu compte que ma vie manquait de sel et surtout de rires! J’ai, également, remarqué que les ouvriers qui construisaient une maison en face étaient plus efficaces, dans leur travail, que moi alors qu’ils passaient leur temps à rire et à se raconter des blagues. J’ai alors pris conscience qu’on ne plaisantait pas assez au boulot, que l’activité cérébrale avait pris le dessus sur les interactions sociales et la convivialité. J’ai vécu une profonde phase de remises en question. Je trouvais que je manquais de compétences relationnelles. Je désirais pouvoir entamer une conversation sans chichi ni barrière mentale et aborder les gens en toute simplicité. J’ai alors été suivi par le clown thérapeute, Didier Danthois, et me suis lancé dans cette aventure joyeuse.
Quels sont les bienfaits du yoga du rire?
Cette «thérapie» permet de redécouvrir son «clown intérieur». La notion revêt d’ailleurs différentes appellations suivant le praticien qui l’utilise: «enfant rieur», «lutin intérieur», «rire primal»… Mais toutes désignent cette hilarité spontanée et contagieuse, proche de la franche rigolade que nous avons tous expérimenté bébé entre six mois et un an. Il s’agit bien d’un comportement réflexe qui ne fait pas appel aux facultés mentales puisqu’ à ce stade de développement, le nouveau-né n’est pas capable de raisonner de manière complexe. Finalement, peu importe l’étiquette qu’on donne à l’expression «clown intérieur», l’élément essentiel étant la reconnaissance de cette émotion.
Le rire permet-il de développer son intelligence?
Plusieurs recherches montrent, en effet, que l’hilarité spontanée décuple les facultés mentales. Une étude du psychologue américain Daniel Goleman, auteur du bestseller, «L’Intelligence émotionnelle», prouve que des étudiants qui viennent d’avoir un fou rire collectif sont meilleurs dans la résolution de problèmes que ceux qui n’ont pas vécu cette situation. Le rire est un phénomène purement physique qui engendre la sécrétion d’endorphines et de sérotonines, hormones captant le mauvais stress. Il semblerait que plus l’être humain est détendu, plus il aurait la capacité de s’extraire de la situation complexe. Il aurait alors une meilleure vue d’ensemble de la problématique et trouverait des solutions plus adéquates à la difficulté présente. L’humour, quant à lui, permet de dédramatiser bon nombre de situations conflictuelles et de trouver des solutions aux obstacles posés de façon plus optimale.
Finalement, qu’est-ce qui distingue l’humour du rire, n’est-ce pas deux facettes du même phénomène?
Le rire est une donnée purement physique, corporelle. Il s’attrape, d’ailleurs, par contagion comme la varicelle! Alors que l’humour nécessite des compétences cérébrales plus élaborées comme, par exemple, la capacité à structurer son dire. Si je désire raconter une blague, je dois faire appel à mon hémisphère gauche lié au raisonnement et à la parole afin de rendre mon propos cohérent. Mais l’humour se base aussi sur le corps car si je ne suis pas détendu au moment de raconter mon histoire drôle, personne ne va rigoler et mon gag va tomber à plat. En gros, au niveau de l’humour, il faut une bonne dose de corps et d’esprit!
Notons que les deux phénomènes sont interdépendants. Il a été prouvé que les gens pratiquant le yoga du rire - qui se base sur l’expérience sensible - utilisent plus souvent l’humour, dans leur quotidien, pour chasser petits soucis et tracas. Et inversement, les gens pratiquant l’humour à haute dose sont d’un naturel plus rieur. La rigolade, ça s’apprend. Je ne crois pas les personnes qui disent qu’elles ne sont pas dotées de sens de l’humour. Tout le monde peut être drôle, si l’on sait se reconnecter à son «clown intérieur»!
Justement, forcer les gens à rire, n’est-ce pas aller contre leur nature?
Dans un monde de plus en plus stressé, il est conseillé de rigoler pour décompresser. Je dirais même plus, à l’ère du divertissement, tout le monde se doit d’être souriant et heureux. De même, participer à des séances de rires collectifs, c’est «trendy». C’est d’ailleurs pour cela que mes séances de yoga du rire ne désemplissent pas (rires!) Plaisanterie mise à part, personnellement, je m’élève contre cette espèce de tyrannie de la convivialité et de l’hilarité. Lors de mes cours, personne n’est forcé de rire. Certains individus ne se dérident pas de la leçon mais peu importe! Tant qu’ils sont bien avec eux-mêmes. Mon but est de valoriser l’expression de joie intérieure et non déclancher l’hilarité sur commande. En règle générale, je trouve que la société actuelle est déjà assez normative comme ça pour imposer encore des séances où l’on est forcé de rire.