Profession : reporter de guerre

Un métier pour témoigner en terrain miné

Des régions en guerre, Sébastien Faure, journaliste et producteur à la RTS, en a sillonné. Sa «profession passion» - comme il aime à le souligner - l’a amené à couvrir l’actualité explosive de nombreux pays: Afghanistan, Libye, Irak, Syrie… Interview sur les terrains les plus minés de la planète.

Vous avez effectué de nombreux voyages en Syrie, qu’est-ce qui vous a le plus marqué?

La folie meurtrière d’un régime qui bombarde aveuglément  son propre peuple sans relâche depuis des mois. Les bombes de l’armée syrienne à Alep (ndlr: ville située au nord-ouest de la Syrie) pleuvaient sur la population civile. Un massacre.

Justement face à l’horreur guerrière, comment rester insensible?

On se blinde un peu. En voyage, on reste focalisé sur son sujet et c’est ça qui évite de s’effondrer. Mais il est clair qu’on ne ressort pas indemne de telles expériences. A l’instant même où je quittais le territoire syrien, j’avais soudainement 40 de fièvre.

Risquer sa vie sur l’autel de l’actualité en vaut-il vraiment la peine?

Le métier de reporter de guerre est connoté assez négativement. On y voit des «rambos» fascinés par le danger et prêts à mourir pour leur sujet. Il s’agit là d’un cliché. Selon moi, le journaliste a le devoir d’informer et de faire réagir; il doit témoigner d’une réalité. Après la diffusion de mes reportages sur la guerre en Syrie, j’ai reçu de très nombreuses réactions. Notamment des Suisses qui nous remerciaient d’avoir mis des visages sur ce terrible conflit, responsable de dizaines de milliers de morts. J’espère que cela pousse aussi les gens à faire des dons aux réfugiés qui en ont bien besoin.

Avez-vous déjà eu l’impression d’être mené en bateau au cours de vos reportages?

Dans les dictatures oui. Je me souviens de l’Irak, au temps de Saddam Hussein où tout était orchestré et très surveillé. Nous avons, par exemple, été conviés à une manifestation. En nous y rendant, nous avons très vite remarqué que les participants tournaient en rond. Tout était organisé et planifié. La couverture médiatique s’apparentait à une véritable scène de théâtre. Dans ce cas-là, il faut faire preuve de curiosité et aller voir au-delà des apparences en soulignant un ou deux détails pertinents qui montrent l’envers du décor.

En plus de la curiosité, quelles sont les qualités requises pour exercer cette profession?

De la créativité et de l’engagement. Dans les zones dangereuses, des nerfs d’acier et une bonne résistance au stress constituent également des atouts indéniables. Il convient aussi de faire preuve de vivacité d’esprit, de ténacité, de persévérance. Je ne crois pas que ce soit un métier comme les autres, que l’on exerce seulement pour remplir le frigo. C’est un métier passion avant tout.Face à la crise économique actuelle qui touche le monde des médias, le travail du journaliste se précarise. Est-il amené à disparaître?

Assurément pas. Il est clair que la situation actuelle demeure préoccupante. Mais le métier de journaliste est passionnant et indispensable. Il faudra toujours des témoins pour raconter et expliquer le monde. Dans un univers de plus en plus concurrentiel, il convient de se démarquer en offrant une réelle plus-value au niveau de l’information. C’est la qualité qui fera la différence.


Souvenirs, Souvenirs

Votre premier job d’été?

Répondre au téléphone pour l’émission du télé-achat de Pierre Bellemare. C’était un travail très mal rémunéré mais déjà en lien avec la télévision.

Votre premier voyage sans les parents?

Un tour d’Europe InterRail avec sept potes. Pour économiser, on dormait dans les compartiments du train et à la belle étoile dans les jardins publics.

Votre premier nid en dehors du cocon familial?

Une chambre de bonne sous les toits à Bordeaux. Elle devait faire dans les 14 mètres carré.

Votre première voiture?

Une Peugeot 104 dorée. Heureusement, à l’époque, le bling bling n’était pas encore dépassé (rires)!