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Quotidien d’un rat de bibliothèque

La guerre des places

08:23, j’arrive à la bibliothèque, nouveau domicile des étudiants en période de révisions quand la maison devient un lieu de procrastination. Retardataire, seul la chance ou la lutte peuvent encore me valoir une place de libre sur le champ de bataille. J’imagine la scène.

07:59, la brume matinale se lève sur une armée d’étudiants prêts à en découdre. En face de la porte encore close, les mauvais regards se croisent, les coudes jouent. C’est à qui sera le plus prompt à s’asseoir et à réserver un maximum de places pour ses camarades. Le combat s’annonce féroce, tous les coups étant permis, du lancer de sac au croche-pied dans les escaliers.

08:00, ouverture des portes et début de cohue. Les uns, pour qui la fin justifie les moyens, courent, bousculent et azorent. Les autres s’avancent tranquillement dans ce temple du haut savoir, croyant encore naïvement dans les vertus de la civilisation. Eux, auront tout de même des places, certainement les moins bonnes. Pour moi, rien n’est moins sûr, le retard se paye comptant. Pourtant les tables libres ne manquent pas, juste occupées par quelques feuilles blanches et autres faux-semblants. Après deux tours de rayon, le dilemme est grand. Aucune place tout à fait libre ne pointe à l’horizon, je peux soit rentrer chez moi, soit m’imposer, mais alors là, c’est la reprise de la guerre assurée. J’entends déjà la contestation du surveillant: «désolé, c’est occupé, mon ami va bientôt arriver». Je décide donc de repasser plus tard dans la matinée.

Ainsi fait. 10:15, si les tables restent toujours désertes, les places n’en deviennent pas plus libres pour autant. Contre le gâchis, je décide de m’asseoir. On me répond alors que je ne peux pas. Réservé, encore. Seulement là, j’affirme mon droit. Celui qui veut qu’une place d’études ne soit pas une possession et encore moins celle des absents car voilà déjà deux heures que le siège est perdu pour un autre étudiant. Ça y est, la dispute est engagée. Les arguments fusent. «Ici, les premiers arrivés sont les premiers servis. Tu n’avais qu’à venir à l’ouverture, moi je me suis levé pour avoir toute la rangée.» Je pense alors au rat qui se mord la queue tout en la faisant, doux «turn-over» qui voit un étudiant prêt à se battre afin d’assurer un sésame à trois ou quatre de ses compagnons voulant dormir un peu plus longtemps. Une mauvaise habitude qui de fait, oblige les autres à en faire autant. Et moi, un sacrifié sur l’autel de ce marché cloche qui refuse de jouer le jeu.

Je pense aussi à ces autres bibliothèques universitaires où une simple affiche inscrit en lettres d’or qu’à un étudiant présent revient une place de libre. Principe élémentaire ainsi accepté de tous et qui prouve que la régulation à parfois du bon. En attendant, je me suis assis, mal aimé et sous les invectives. Quant au dit ayant droit, il n’est jamais venu, sûrement resté au lit pour se reposer car demain, ce sera à son tour de se lever pour réserver la rangée…