Les hommes semblent toujours avoir été fascinés, voire dépassés par les phénomènes de l'infiniment grand. Des Grecs à Copernic, du télescope de Galilée à Hubble, l'astronomie est une science qui a traversé les âges. Aujourd'hui, l'astrophysique, grâce aux technologies toujours plus avancées, permet de se plonger dans le fonctionnement et les origines de l'Univers. Où en sont les découvertes à présent? Eclairages avec Georges Meylan, directeur du Laboratoire d'astrophysique de l'EPFL, et deux étudiants membres de Callista, association d'astronomes amateurs basée à l'EPFL.
Actuellement, l'astrophysique se concentre sur deux domaines d'études spécifiques, selon Georges Meylan. Le premier répond à la grande question «Sommes-nous les seuls dans l'Univers?». Ces vingt dernières années, de grands progrès ont été faits dans le domaine: les premières exoplanètes - les planètes se trouvant en dehors de notre système solaire - ont été découvertes en 1995 par des astrophysiciens de l'Université de Genève. A ce jour, on en recense 547! «Malgré ces découvertes, il ne faut pas oublier que nous sommes isolés!», rappelle Georges Meylan. «Les distances entre la Terre et les exoplanètes, ajoute-t-il, sont monstrueusement grandes à l'échelle humaine. Nous en sommes éloignés de plusieurs dizaines ou centaines d'années-lumière et les voyons comme elles étaient il y a 50 ou 500 ans. Il s'agit principalement d'observations passives, sans possibilités de voyages interstellaires et avec des difficultés extrêmes même dans le cas de dialogues avec des télécommunications radio».
Le deuxième domaine d'études est quant à lui focalisé sur l'Univers, sa naissance et son expansion actuelle. L'enjeu est de mieux comprendre son fonctionnement et son origine. Durant le XXe siècle, le modèle du Big Bang a bouleversé notre vision du cosmos. De nos jours, trois preuves confirment cette théorie. Tout d'abord, le mouvement de l'Univers: ce dernier se trouve en expansion, et ceci de façon toujours plus rapide. Deuxièmement, la surabondance d'atomes légers comme l'hélium prouvent que l'Univers était à l'origine dense et chaud. En effet, la matière que nous connaissons fut constituée par les étoiles (il s'agit de la nucléosynthèse stellaire, c'est d'ailleurs pourquoi nous sommes à juste titre de la poussière d'étoile…). Mais l'abondance de certains éléments dans l'espace montre que ceux-ci furent produits par une nucléosynthèse primordiale ou cosmologique, ayant eu lieu durant les premières minutes du Big Bang. Enfin, l'existence d'un «fond de rayonnement diffus», rayonnement directement issu des instants premiers durant lesquels l'Univers était extrêmement chaud et dense, constitue la troisième preuve. «L'argument du rayonnement diffus, précise Georges Meylan, est d'autant plus fort qu'il fut prédit par quelques brillants théoriciens avant d'être véritablement découvert en 1965.»
Evidemment, les scientifiques sont encore loin de tout appréhender dans l'Univers. Bien des questions persistent, telles que l'explication de la nature, de la matière et de l'énergie sombres. Sans qu'on sache vraiment de quoi il s'agit, on observe que la première génère une force de gravitation attractive alors que la seconde semble générer une force répulsive.
Bien que l'étude du cosmos soit avant tout une affaire de physique et de mathématiques, la beauté de l'Univers est heureusement accessible à tous. Réunir les étudiants amateurs d'astronomie, c'est d'ailleurs le but de l'association Callista, basée à l'EPFL. Cet organisme organise à plusieurs reprises des observations du ciel à différents endroits avec ses propres télescopes. La tête dans les étoiles depuis toujours, Malte Tewes, président de Callista, l'admet: «Je ne vois pas comment on ne peut pas s'y intéresser! Pouvoir voir Saturne de ses propres yeux, ça permet de prendre du recul. C'est une image à la fois esthétique et poétique». Il en est de même pour Jean-Noël Pittet, membre du comité de l'association, particulièrement intéressé par les images de ciel profond: «Analyser les cieux nous ouvre à une nouvelle sorte de magie. Comprendre qu'un certain point lumineux n'est pas forcément une étoile mais une galaxie est captivant; c'est le plaisir d'en savoir plus!».
Alors que Callista se destine autant aux étudiants de l'EPFL qu'à ceux de l'Université de Lausanne, ces derniers sont pourtant aux abonnés absents (Malte Tewes et Jean-Noël Pittet sont par ailleurs tous deux étudiants en physique). L'astronomie ne toucherait-elle que les scientifiques? «Non, il n'y a pas de raison et ça n'a pas toujours été le cas», assure Malte Tewes. Attention alors à ne pas confondre l'astrophysique, qui est une science de base, à l'astronomie amatrice, ouverte à tous! Pour le président de Callista, il s'agit avant tout de s'émerveiller en observant «des astres à des millions d'années-lumière avec de simples télescopes de vingt centimètres!»
Dans les médias, l'évocation du cosmos fait souvent écho au thème du voyage spatial. Après les premiers pas sur la Lune en 1969, le prochain objectif serait la planète Mars qui attire toutes les convoitises. Selon Georges Meylan, cela aura lieu évidemment un jour, mais ce sera un investissement extrêmement coûteux et un exercice particulièrement difficile. «Un voyage aller durerait entre 9 et 12 mois, explique-t-il. Cela pose des problèmes technologiques et humains fondamentaux. Il faut par exemple que l'équipage reste en bonne forme médicale et psychologique, alors qu'il est prouvé que ce n'est pas sain de rester trop longtemps dans l'espace, en état d'apesanteur.» Le professeur n'est pas totalement convaincu par l'utilité d'envoyer systématiquement des humains: «Les robots envoyés sur Mars ont apporté beaucoup plus qui si ce n'eût été des hommes!» Ce constat est partagé par Malte Tewes qui expose le problème des coûts de l'envoi d'humains dans l'espace et s'insurge par ailleurs contre le tourisme spatial qui s'est développé ces dernières années pour les plus riches: «Une démocratisation de l'espace est impossible, déclame-t-il. Tout l'argent mis à disposition des touristes pour profiter de quelques minutes d'apesanteur devrait appartenir à la recherche!»
De même, Georges Meylan qualifie d' «aberrants» les éventuels projets de retour sur la Lune et l'installation de bases lunaires: «Quelle utilité de retourner sur la Lune? Nous la connaissons suffisamment. Les satellites qui gravitent autour d'elle, tout comme les sondes qui se promènent à sa surface, nous permettent d'en savoir beaucoup». Selon lui, les projets de voyages dans l'espace relèvent plus de la sciencefiction: «Pensons à préserver notre planète, plutôt que de rêver d'aller ailleurs!»
Depuis toujours, l'homme a été confronté à des phénomènes apparemment inexplicables et frappants de beauté, tels que les couchers de soleil, les comètes ou simplement les myriades d'étoiles peuplant le ciel. Aujourd'hui, les technologies ont su lever bien des mystères. Néanmoins, les manifestations astronomiques ne perdront jamais leur charme et leur esthétisme.
La force de l'astronomie réside aussi dans le fait qu'elle rejoint presque la philosophie. En effet, on touche aux questions essentielles. Sommesnous les seuls? Qu'est-ce que l'Univers? D'où vient-il? C'est à ces questions fondamentales qui habitent tout un chacun que l'astrophysique tente jour après jour de répondre.