Salamanque est la plus ancienne ville universitaire d’Espagne. Son université attire plusieurs milliers d’étudiants chaque année.
Pour la rejoindre depuis Madrid, on utilise habituellement le bus, le moyen de transport espagnol le plus utilisé. Les trois heures de voyage (200km) permettent de découvrir un paysage plat et pauvre en végétation. C’est à se demander comment une ville de 180’000 habitants a pu naître sur une plaine si aride.
Le mieux est d’arriver à Salamanque au coucher du soleil. L’écrivain Miguel de Unamuno, longtemps recteur de l’université salmantine, écrivait: «C’est une ville ouverte et joyeuse. Le soleil a doré les pierres de ses tours, de ses temples et palais, cette pierre douce et tendre qui, en s’oxydant, prend une couleur ardente d’or vieux. Lorsque le soleil se couche, c’est une fête pour les yeux...»
Les débuts
L’épreuve que tout étudiant étranger venant étudier quelques temps à Salamanque a traversée, est la recherche d’appartement. Quand on arrive dans cette ville, il est de coutume de passer ses premières nuits en pension. Bien entendu, le peu de mots appris avant le départ s’effacent en quelques secondes devant la patronne de l’auberge au débit impressionnant de paroles. Elodie, étudiante française en communication à Angers, admet en riant: « Au début, c’était horrible, je ne comprenais rien du tout, je savais juste dire «Hola», je ne comprenais rien de ce que me racontait la logeuse de l’auberge ».
Les premières expressions qu’un «erasmus» va assimiler sont liées à sa recherche de logement: «piso» (l’appartement), «busco» (je cherche), «compañero» (le colocataire). Bien entendu, tout étudiant a en tête l’appartement génialissime du vieux Barcelone que partage Xavier, alias Romain Duris avec ses colocataires européens dans l’Auberge espagnole. Après avoir vu des chambres sans lumière, sans fenêtre, des colocataires étranges, des appartements douteux, on déniche la perle rare digne du film. Alexander, étudiant en économie à Vienne se rappelle: «j’avais trouvé un appartement génial au centre de la vieille ville avec une terrasse et surtout dans un immeuble qui rassemblait beaucoup de nationalités. Il y avait un Anglais, une Belge, des Italiens, un Français. On faisait tout le temps plein de soirées, notre immeuble était devenu le temple de la fête!» Adrien, étudiant en sciences politiques à Rennes, habitant dans le même immeuble, renchérit: «Ce qu’on adorait faire c’était les repas, chacun cuisinait des spécialités de chez lui, moi je faisais souvent des crêpes ou des quiches, les Italiens cuisinaient la pasta et l’Autrichien nous préparait les Schnitzel-Kartoffeln, le plat de résistance autrichien. Nous parcourions l’Europe par l’intermédiaire de nos assiettes.»
Tapas et chupitos!
Symbole du style plateresque, patrimoine de l’UNESCO depuis 1988, joyau historique abritant des trésors architecturaux, Salamanque est aussi renommée pour son animation nocturne trépidante. Sieste, apéritifs dans les bars à tapas et dîners tardifs obligés, l’étudiant «erasmus» s’adapte en général avec aisance à l’horaire espagnol. Pour l’étudiant, c’est un bonheur que de se restaurer dans les nombreux bars à tapas qu’ offre la ville. Tortillas, croquetas et calamares sont à déguster avec de la cerveza du rioja ou encore de la sangria. Pas étonnant que les «erasmus» rentrent chez eux avec quelques kilos en plus. Dominique, étudiante en langues à l’université de Gent se rappelle: «on a tous grossi, je ne connais personne qui est rentré aminci. Franchement, ça faisait partie de la vie erasmus!»
Une fois les tapas ingurgités, direction Calle San Justo et ses nombreux bars à l’enfilade. On commence dans le premier en haut de la rue et on poursuit l’aventure jusqu’en bas. Et quel est le breuvage typique que proposent ces bars? Les chupitos bien entendu! Avant d’aller danser, les milliers d’étudiants se pressent dans ces chupiterias pour goûter et abuser de ces mini cocktails détonants à prix dérisoire. Alessio, étudiant en économie à Rome explique: «la Calle San Justo c’est le passage obligé avant d’aller en boîte. Mais avec du recul, je me dis qu’on était dans une autre réalité. À Salamanque, tu sors tout le temps. Tout est super bon marché et accessible, c’est «no limit»!»
Merveille touristique
Une année à l’étranger, c’est aussi les visites de la famille et des amis. Le même parcours touristique à travers Salamanque se perpétue alors à chaque incursion familiale ou amicale.
La visite commence par un petit-déjeuner au soleil sur la Plaza Mayor, une des plus belles places d’Espagne et le monument le plus caractéristique de la ville!
Le café au lait accompagné de tostadas con mantequilla (tartines au beurre) se déguste sur une des nombreuses terrasses de la place. Construite au XVIIIème siècle, la Plaza Mayor, de style baroque, est bordée d’arcades surmontées par des médaillons ornés par les portraits des rois et des grands capitaines d’Espagne. Véritable centre de la ville, les étudiants se donnent rendez-vous sous l’horloge de la place, point de rencontre incontournable. Les touristes envahissent et se prélassent au soleil sur les terrasses des nombreux cafés. Les jeunes s’assoient par terre et les Salmantins apprécient aussi ce lieu convivial. Autre monument de Salamanque, l’Université! Fondée en 1218 par Alphonse IX de León, l’alma mater salmantine, de par sa renommée nationale et internationale, séduit les étudiants.
Outre sa célèbre bibliothèque, l’Université est connue pour la façade de sa porte d’entrée. Celle-ci est finement sculptée par des motifs en relief parmi lesquels l’étudiant devait autrefois chercher la grenouille, symbole de Salamanque, sur une tête de mort pour être accepté. Ce bizutage est encore d’actualité: tout novice des bancs de l’université se doit de chercher l’emblème salmantine pour réussir son année académique.
Le chemin touristique se poursuit par la visite des deux cathédrales de Salamanque, un monument architectural unique en son genre. La vieille cathédrale (Catedral vieja), de style roman, est en effet accolée à la nouvelle (Catedral nueva), de style gothique. La plus ancienne fut fondée au début du XIIe siècle par l’Evêque Bérenger. La nouvelle, quant à elle, a été construite entre les XVIe et XVIIIe siècles. Outre les jardins et les nombreux cloîtres, le couvent San Esteban, l’Université Pontificale, la Maison aux coquillages et le Pont romain sont également des joyaux architecturaux de Salamanque.
Une année de découvertes
Une année «erasmus» à Salamanque, c’est aussi la possibilité de partir à la découverte de l’Espagne. Ségovie, Avila et Tolède, villes voisines de Salamanque, sont elles aussi des trésors historiques et architecturaux à ne pas manquer. Paola, étudiante en langues à Turin explique: «Nous n’avions pas beaucoup de moyens mais nous sommes toujours arrivés à partir: nous sommes allés à Valence pour ses célèbres fallas, nous avons passé de nombreux week-ends à Madrid et nous sommes même allés au Portugal».
Quand la fin de l’année se profile, les étudiants éprouvent une certaine tristesse à l’idée de rentrer chez eux. Barbara, étudiante en publicité à Lisbonne confirme: «La fin, c’était horrible. Tous nos copains étaient partis avant nous, chaque jour nous accompagnions des gens à la gare routière, c’était super triste! Mais nous nous sommes tous revus un an plus tard à Salamanque et l’alchimie était encore présente! Nous avons gardé contact et nous ne cessons de nous remémorer cette année qui a tant marqué nos études».
Et pour conclure cette incitation au voyage, Nicolas Bouvier déclarait: «Un voyage se passe de motifs. Il ne tarde pas à prouver qu’il se suffit à lui-même. On croit qu’on va faire un voyage, mais bientôt, c’est le voyage qui vous fait, ou vous défait.» (L’Usage du monde,1963).