Professeur en Physique de l'Atmosphère à l'AIC/ETHZ, Ulrike Lohmann, 42 ans, s'est vu décerner le Prix Nobel de la paix 2007, partagé avec Al Gore, en tant que l'une des principaux auteurs du quatrième rapport d'évaluation du GIEC (Groupe d'experts Intergouvernemental sur l'Evolution du Climat, IPCC en anglais). Interview:
Vous partagez le Prix Nobel de la Paix 2007 avec Al Gore pour avoir "créé et disséminé une plus grande connaissance du changement climatique d'origine humaine, et posé les fondations des mesures requises pour contrer ce changement". Qu'en pensez-vous? Etiez-vous surprise?
Oui, j'étais très surprise et très honorée d'avoir été parmi ceux qui ont conjointement reçu le Prix Nobel de la paix. Cela montre que les gens commencent à réaliser à quel point les impacts du changement climatique menacent la paix.
Pour vous présenter, quelles ont été en bref les plus importantes étapes de votre vie?
Premièrement, j'ai fait une année de volontariat à Lagos, au Nigeria, après le lycée. Puis j'ai travaillé dans un village SOS Children pendant un an. Cela m'a ouvert les yeux et a changé ma vision de la vie. Deuxièmement, mon premier travail académique à l'Université Dalhousie à Halifax m'a montré combien j'aimais combiner l'enseignement, la supervision d'étudiants et mes propres recherches. Cela m'a convaincue de rester à l'Université. Enfin, j'ai obtenu le poste de mes rêves : professeur à l'EPFZ.
Pourquoi le climat?
Parce que je voulais travailler dans un domaine stimulant scientifiquement et utile pour la société. Pour moi, la recherche climatique représente exactement cela.
La recherche, est-ce une passion? Qu'est-ce qui vous a poussé à approfondir ce domaine?
Oui, c'est une passion. J'aime penser à des problèmes non résolus et en discuter. Trouver la réponse à un problème me donne une grande satisfaction. Je suis une personne curieuse : avoir ainsi l'occasion d'apprendre de nouvelles choses me plaît aussi beaucoup.
Et à côté de cela, quelles sont vos occupations?
Le sport, principalement. Je rame régulièrement et je viens de participer à la course entre l'Université de Zürich et l'EPFZ. Je cours aussi et fais du vélo, et j'aime skier en hiver.
Avez-vous reçu d'autres distinctions que le prix Nobel pour votre travail?
Oui, j'ai reçu deux récompenses ces deux dernières années : Fellow of the American Geophysical Union (AGU) en 2008, et le Henry G. Houghton Award of the American Meteorological Society (AMS) en 2007. (Ndlr : elle a déjà reçu 4 autres prix avant cela!)
Faire partie du GIEC est volontaire. Quel investissement cela réclamet- il?
Pourquoi voulez-vous participer ? Il faut participer à 4 meetings internationaux de l'équipe centrale des rapports de l'IPCC (ndlr : GIEC). Cela demande aussi de lire et résumer la littérature appropriée dans son domaine, écrire et réécrire des parties du rapport et répondre à toutes les questions des relecteurs. Puisque le travail de l'IPCC est très important, c'est pour moi un grand honneur d'y participer.
Venons-en au changement climatique. Qu'est-ce qui vous inquiète le plus à ce sujet?
Qu'il soit considéré comme un problème secondaire pouvant être résolu lorsqu'il n'y a rien de plus urgent. Sachant que les coûts des impacts du changement climatique vont augmenter, il est important que les gouvernements agissent maintenant.
Cela semble enfin accepté et les gouvernements veulent agir. Mais lorsque l'on en vient à des actions concrètes, les gens ne sont souvent pas prêts à changer... Quelle serait la meilleure solution selon vous?
Augmenter les prix du carbone pour rendre les potentiels de réduction profitables. En d'autres termes, qu'émettre du CO2 coûte plus cher, pour inciter à réduire les émissions.
Est-ce une cause perdue ou les gens vont-ils réagir à temps?
Cela dépend. La prise de conscience que le changement climatique doit être considéré sérieusement augmente. Une pression du public peut pousser les gouvernements à agir, ce qui demande une éducation et une compréhension de la nécessité d'agir pour laisser une planète vivable aux générations futures. Je pense que cela va venir. La question est de savoir si ce sera assez tôt pour éviter des impacts irréversibles.
Finalement, comment gagner un prix Nobel? Avez-vous des conseils pour les étudiants ambitieux?
Je ne pense pas qu'il y ait un chemin menant au prix Nobel, parce que cela nécessite aussi de la chance. Planifier une carrière menant à un titre de professeur est déjà difficile, il faut se trouver dans le bon domaine au bon moment. Mon conseil serait d'apprécier la science et d'être curieux et passionné par ce qu'on fait. Si on aime son travail, on va apprécier la vie, ce qui est pour moi plus important que gagner des prix ou viser des choses qui peuvent ne pas arriver.