On croit qu'être à la mode est une pratique facile. Moi je dis que c'est un travail de titan et que cela s'apprend.
Première étape: on vise à s'informer un maximum. N'ayant pas trouvé de coach spécialement formé en conseils fashion, je me rabats sur les magazines féminins qui déclinent au fil des pages les accessoires et vêtements «in» du moment. En théorie, tout semble réalisable. On ne va pas s'abaisser à prendre en considération des détails aussi futiles que le prix des vêtements. Malgré tout, j'ai quand même checké (juste par curiosité, promis!) les petites étiquettes des lunettes de soleil des grands créateurs. Et bien je me suis dit que, à moins de gagner à l'euro millions, je continuerai à me payer des lunettes de mouche à 30 francs. D'accord, je suis râpe mais on trouve des lunettes très bien à ce prix-là... elles ont juste le «D» à l'envers sur la monture, mais question design, elles assurent. Pas étonnant d'ailleurs, puisqu'elles copient sur leurs grandes soeurs de la mode.
Un réveil aux aurores
Etre une fashion victim - pourquoi victime, d'ailleurs? Je ne suis pas soumise à ce point au diktat de la mode. La preuve? Je pèse nettement plus que les 45 kilos d'une Kate Moss toute mouillée - cela commence dès le réveil. A partir du moment où je pose mes petits petons sur la moquette de ma chambre pour me traîner confusément jusqu'à l'armoire, une seule question me turlupine: mais qu'est-ce que je vais mettre? Et là, en général, cela se gâte! Les essayages commencent. Cela suppose évidemment que la fashion victim qui se respecte se lève tôt. Très tôt. Et qu'elle a consulté la météo le jour précédent. Celle qui est diffusée juste après le journal télévisé qu'elle n'a pas regardé.
Bref, une fois les essayages terminés, le jeans slim enfilé avec le top assorti vert pomme, il reste les chaussures à sélectionner. Les éternelles ballerines passe-partout ou les hauts talons? Choix cornélien certes, mais la férue de mode préférera les talons. Premièrement, ça la rend plus grande. C'est de la triche mais la fashion victim n'en a que faire. Deuxièmement, elle aura la démarche chaloupée soi-disant sexy qui fera bouger son popotin et rendra Jules et ses semblables fous d'elle. Mais cette affirmation reste dans le domaine de la théorie. Pour être désirable, encore faut-il maîtriser la démarche et éviter de ressembler à une oie qui se dandine.
La coiffure de la fashion qui tue
Après l'habillage, le détour prolongé par la salle de bains s'impose. Là, si c'est l'heure du grand trafic et des embouteillages, une petite gueulée familiale s'impose afin de libérer les lieux de tous les parasites environnants. L'heure du maquillage et de la coiffure a sonné. Mais attention à ne pas trop se peinturlurer: je ne cherche pas à ressembler à Jojo le clown et encore moins à une carrosserie de voiture volée. Une fois le maquillage «frais du jour» (conseillé par mon magazine préféré) achevé et la queue de cheval «sage mais sauvage» réalisée avec le plus grand soin (essaie de te faire sortir des mèches d'une queue de cheval tout en la gardant relativement en haut du crâne et tu comprendras ma douleur), l'heure d'aller frimer à l'extérieur est arrivée.
Maîtriser des talons de 11, 37 centimètres
Sur le chemin de l'uni, la fashion victim tentera d'accrocher tous les regards. Règle numéro un: toujours garder les lunettes de mouche même par temps orageux. Le style prime avant tout. Pas grave si tu te prends un platane en marchant une fois de temps en temps (vu la vitesse de la marche avec des talons de 11, 37 centimètres, tout ce que tu risques, c'est de te prendre la honte). Règle numéro deux : apprendre à marcher avec les talons de 11, 37 centimètres cités plus haut. Là encore, cela demande un apprentissage préalable, histoire de ne pas se tordre la cheville toutes les trois minutes. Règle numéro trois: dompter la douleur. Que celle qui n'a jamais souffert de méchantes blessures aux petons après avoir marché une heure me jette le premier talon qui passe! Il faut donc oublier qu'à 8h30 (j'ai décollé de la maison à 8h et les cours commencent à 8h15), j'ai déjà mal, qu'à midi j'ai encore mal, et qu'à 18h je ne sens plus mes pieds!
En fin de journée, je n'ai plus qu'à me traîner jusqu'à la maison tout en maîtrisant la vision nocturne de mes lunettes de mouche quand le soleil se couche. Et demain, on recommence. Il ne me reste plus qu'à aller m'acheter de nouveaux pieds.