Depuis plus de 20 ans, l'EPFL a fait de l'espace un terrain de recherche familier, que ce soit dans l'aérodynamique, les antennes radio ou la robotique. La participation active de l'Ecole polytechnique n'est qu'un des nombreux témoignages de l'activité spatiale suisse. En effet, on ne compte plus le nombre d'objets «swiss made» qui ont voyagé hors de l'atmosphère terrestre, entre les coiffes de fusée et les pièces de satellite. Manquait encore un lien direct entre les milieux industriels, ceux de la recherche et les communautés estudiantines. C'est chose faite depuis 2003, avec la création du Space Center EPFL.
Créé dans le but de promouvoir le spatial à l'EPFL d'abord, puis en Suisse, le Space Center EPFL sert à la fois de vitrine et de bureau d'orientation pour les étudiants qui, à force d'avoir la tête dans les étoiles, souhaitent en faire leur profession. «Les yeux des étudiants clignotent lorsque l'on parle d'espace. Et il faut les guider au mieux. C'est déjà là que se situe le défi» confie Maurice Borgeaud, directeur du Space Center. |
Motiver les étudiants et l'industrie
Il faut dire que parmi les professeurs, on trouve un certain Claude Nicollier, notre astronaute national. «On profite nettement d'une vague Nicollier... C'est même une déferlante !» plaisante Maurice Borgeaud. De son côté, le Prof. Nicollier confirme avec modestie le succès de l'institution: «Il est clair que j'amène un élément très intéressant pour les étudiants. Comme je suis allé dans l'espace, j'ai ramené des histoires, des images... Tout cela est très motivant pour les étudiants.»
De cette «mobilisation» estudiantine, le Space Center EPFL compte bien retirer des résultats rapides, afin d'ouvrir de nouvelles voies à l'industrie spatiale suisse. Le centre tente ainsi de motiver l'innovation en offrant ses services aux industries pour leur faciliter la tâche, par des tests ou des travaux demandant un matériel précis: «On joue donc le rôle d'une plateforme de coordination pour la demande industrielle, et d'expertise dans les laboratoires. Il y a une valorisation de la recherche vers l'industrie, mais aussi une réponse à ses besoins.» Et grâce au Space Center, l'EPFL nourrit maintenant de nouveaux projets encore plus importants.
On peut entre autres s'attendre à assister dans un très proche avenir au lancement d'un satellite 100% helvétique, le Cubesat: «Avec ce projet, on va essayer de lancer un satellite fabriqué à l'EPFL, se réjouit Maurice Borgeaud. Il est tout petit, 1 kg. C'est ce que l'on appelle un pico-satellite. Un berlingot de lait, mais avec tous les aspects techniques d'un satellite classique. Ce projet d'étudiants sera guidé par des professeurs ainsi que le Space Center EPFL, et le lancement aura lieu, si tout se passe bien, en 2008. Mais cela ne sera pas seulement un produit de l'EPFL. Il y a aussi d'autres écoles avec nous dans l'aventure, notamment les HES de Sion et d'Yverdon, et les universités de Neuchâtel et Berne. C'est vraiment un projet qui va prendre une envergure nationale.»
Une suisse qui s'exporte...
Certes, la Suisse met beaucoup d'argent dans l'espace (environ 120 millions de francs par année, intégralement versés à l'Agence spatiale européenne). Mais cet argent ne part pas dans la fumée des réacteurs, loin de là. «Les fonds dépensés annuellement par la Suisse reviennent en grande partie sous la forme de contrats industriels. Il ne s'agit pas d'argent que l'on donne ailleurs, confirme Claude Nicollier. Par exemple, la coiffe de la fusée Ariane qui protège les satellites a été développée par Contraves Space AG, une firme zurichoise. Et cela marche si bien que le produit est maintenant revendu aux Américains. Un second exemple, ce sont les horloges atomiques. Le coeur des 30 satellites GALILEO (le GPS européen) a été développé par l'Observatoire de Neuchâtel. La Suisse est encore très réputée pour la la mécanique de précision.» Et le prochain robot qui foulera le sol martien pourrait bien avoir un squelette helvétique. La Suisse financera d'ailleurs environ 5% du budget de la mission ExoMars, prévue pour 2012 et prélude à l'arrivée d'astronautes européens sur la planète rouge quinze à vingt ans plus tard...
...mais sous-représentée
Face à cette participation très active et reconnue de notre industrie, il est paradoxal que la Suisse ne semble pas tenir à être représentée dans les bureaux, laboratoires et installations de l'Agence spatiale européenne, comme le confirme Maurice Borgeaud: «Il y a des opportunités au sein de l'Agence européenne: l'ESA, c'est 1'800 personnes provenant de 17 pays qui travaillent ensemble pour l'espace. Et vous pouvez faire de la publicité, parce qu'il manque 50 Suisses à l'ESA en ce moment...». L'appel est lancé. En effet, peu d'étudiants, de chercheurs et d'ingénieurs sont prêts à faire les sacrifices qu'implique une telle carrière. «Relativement peu de Suisses s'expatrient, constate Claude Nicollier. Le fait est que les Suisses aiment bien rester chez eux. C'est un peu dommage, car partir pour une telle expérience ouvre la voie vers de nouvelles opportunités et constitue un formidable enrichissement.» Pour l'instant, le jeune Space Center EPFL n'a pas encore «produit» d'ingénieur ayant trouvé un poste à l'ESA ou étant devenu astronaute, «mais on en rediscutera dans quelques années», promet Maurice Borgeaud. Alors, à quand un ancien étudiant de l'EPFL sur la lune ?
Maurice Borgeaud Depuis septembre 2004, il est Directeur du Space Center de l'EPFL. | Claude Nicollier |