Tu en as marre de traîner ta besace bourrée à craquer de pavés ou d’avoir des crampes au poignet à force de prendre en note les monologues mortifiants de tes profs? Ne te fais plus de soucis, l’arme ultime de l’étudiant est enfin apparue! Enfin, c’est là l’espoir du «geek» qui voit dans les tablettes électroniques le futur de sa formation. Des nouvelles possibilités pédagogiques au sac à dos aérien, le potentiel du «cartable électronique» laisse songeur, voire rêveur.
Journaux, calculatrice, encyclopédies, tablette de cire ou dopants de toutes sortes, ton sac est un vrai capharnaüm. Qu’à cela ne tienne, puisqu’une tablette électronique suffirait à condenser tout ton nécessaire d’étudiant. Fini alors les sentiments d’infirmité et de frustration après avoir oublié LE polycopié du jour sur ton bureau. Muni de ton écran tactile, tu serais en capacité d’accéder instantanément à l’ensemble de tes lectures, notes et autres supports de cours numériques essentiels à ton succès académique. En plus de quoi se mêlerait à la sensation légère de ta nouvelle frugalité «cellulosée» la félicité de ne plus participer activement à la déforestation de notre mère la terre.
Bien entendu, les Cassandres prophétiseront la baisse drastique de l’attention en cours, conséquence de la capitulation des étudiants oisifs face aux jeux en ligne et aux réseaux sociaux. Cette perspective que tu justifies largement par ton observation des écrans d’ordinateur en période de matchs sportifs, se confronte néanmoins à une réalité plus studieuse. En effet, les projets pilotes en la matière révèlent que plus qu’être une source de distraction, l’usage intelligent de tablettes électroniques aiguiserait ta curiosité ainsi que la participation aux études.
À l’exact opposé des ennuyeuses leçons ex-cathedra, ce nouveau mode d’apprentissage te verrait commencer tes cours par un quiz ou un sondage préparé par les bons soins de tes professeurs. Cette interactivité inédite pourrait également se prolonger au sein de plateformes multimédias. Ces dernières donnant lieu à un dialogue entre enseignants et étudiants par l’échange de devoirs, articles ou vidéos.
Toutefois, l’université 2.0 est encore loin. Une telle révolution bouleverserait le traintrain quotidien de ton corps professoral qui semble abhorrer la novation autant que l’excès d’effort dans le suivi des étudiants. Outre cette répugnance à captiver l’audience, l’élaboration d’un programme d’études réalisable qui exploiterait la pleine mesure de cette technologie se heurterait à une vision libertaire de la formation.
Un tel projet impliquerait en effet que tout étudiant puisse se prévaloir de posséder une tablette afin de participer aux festivités. D’aucuns revendiqueraient alors leur droit fondamental et inaliénable à user du mythique stylo bic ou à sentir l’odeur du papier.
De même, la question du financement d’un tel investissement resterait controversée. Le coût d’une tablette serait rapidement rentabilisé par rapport aux fournitures traditionnelles dans le seul cas d’un engagement des institutions universitaires et bibliothécaires. Celles-ci devraient ainsi organiser l’accès gratuit ou bon marché à nombre de publications numérisées - bravant les restrictions de la propriété intellectuelle - tout en créant des applications nécessaires à la bonne marche de l’apprentissage.
En attendant que les bureaucrates prennent une décision, rien ne t’empêche de lancer la révolution à ton échelle, car l’homme est ainsi fait qu’il finit toujours par imiter et s’adapter… pour le meilleur comme pour le pire.