Quelle place pour des idées innovantes? Si elles se laissent transformer en start-up sonnantes et trébuchantes, les idées ont le vent en poupe. Plus que jamais, les universités et hautes écoles tentent d'encourager les jeunes créateurs à donner vie à leurs projets. A l'heure de l'économie 2.0, la figure de l'entrepreneur des temps modernes - le réalisateur d'idées - est au zénith. Mais qu'en est-il des idées qui ne se laissent pas convertir immédiatement en projets d'entreprise? Que deviennent ces idées qui visent ce que certains appelleraient pompeusement la «chose publique»? |
La Suisse ne connaît pas de culture de la réflexion publique, tournée vers l'avenir. Outre les partis politiques classiques, seules quelques voix des milieux culturels, associatifs et académiques tentent d'apporter une réponse à une question aussi fondamentale que celle de la Suisse de demain. Ce constat volontiers un peu pessimiste ne manque pourtant pas d'étonner. D'une part, l'excellence des formations helvétiques - tant académiques que professionnelles - est reconnue loin à la ronde. La Suisse possède de brillants cerveaux et les idées capables de dessiner la société de demain ne manquent pas. D'autre part, le système politique suisse est le plus à même de donner voix au chapitre à ces nouveaux projets. Bien plus que chez nos voisins, les bonnes idées trouvent facilement accès aux décideurs politiques.
Avec ces jeunes solidement formés et ce besoin presque intarissable d'idées nouvelles, la Suisse ne peut se permettre le luxe de perdre ce potentiel d'innovations. Notre pays aurait ainsi tout intérêt à développer une culture du think-tank. Qu'estce à dire? Il s'agirait de donner vie à une tradition de la boîte à idées, d'encourager un terreau de personnes intéressées et capables de s'exercer à la libre-pensée, sans souci de perspectives électorales axées sur le court terme. A la différence des partis politiques, les think-tanks se démarquent par une certaine liberté de ton, capables de penser hors des cadres traditionnels. Les think-tanks se différencient également par leur approche à vocation scientifique. La conviction que des arguments solides et bien construits peuvent faire changer le cours des choses inspire le travail de nombreux instituts de réflexion. En ce sens, même si ces thinktanks ne sont pas liés à un parti, leurs actions sont éminemment politiques au sens noble du terme: elles cherchent à dessiner la Suisse et le monde de demain.
Les bienfaits d'une approche indépendante et novatrice apparaissent particulièrement en matière de politique étrangère. Sans conteste, la place de la Suisse dans le monde du 21ème siècle est une question de la plus haute importance. Afin d'affronter les défis de demain, les idées les plus intéressantes sont des conditions sine qua non pour la prospérité de tous. Le rôle d'un think-tank de politique extérieure ne se limite pas à produire des idées pour nos actions à l'étranger. Sa mission de société est également tournée vers l'interne. Plus que jamais, la politique extérieure influence nos vies de citoyens. Pour assurer un soutien populaire à la politique étrangère, il faut que des plateformes de discussion soient non seulement accessibles, mais également que des échanges réguliers avec les acteurs et décideurs de la politique étrangère suisse soient possibles. Ce n'est que par cette rencontre démocratique que la Suisse pourra réconcilier politique nationale et politique étrangère.
Tout au long de son mandat, Micheline Calmy-Rey a rappelé l'importance de ce contact démocratique avec la population. Le credo de la «diplomatie publique» relève d'un exercice bienvenu: expliquer la politique étrangère et offrir l'occasion d'en débattre. Micheline Calmy-Rey partie, que restera-t-il de son appel à plus de diplomatie publique? A l'heure du changement de cap à la tête du Département fédéral des affaires étrangères, le momentum politique est important et l'appel à la société civile claire: débattons ouvertement de la politique étrangère de demain! Dans ce cadre, le rôle des thinktanks de politique étrangère est multiple et passionnant. Cultivons notre véritable richesse, nos idées, et essaimons cette culture loin à la ronde!
Fondé en 2009 à Berne, le think-tank foraus - Forum de politique étrangère s'engage sur toutes les questions touchant à la politique étrangère. Présente à travers la Suisse, l'association se propose d'encourager une politique étrangère constructive par le biais d'interventions de haute qualité dans la discussion publique. Le thinktank compte à ce jour quelque 380 membres, dont la plupart sont de jeunes professionnels, doctorants ou étudiants. Indépendante des partis politiques, l'association fonctionne sur le principe du volontariat et se réjouit d'accueillir toutes les personnes intéressées à faire vivre de nouvelles idées.
En Suisse romande, foraus est présent à Genève, Lausanne et Fribourg. Outre l'organisation de nombreuses manifestations publiques, le thinktank s'est spécialisé dans la publication de papiers de discussion sur de nombreux sujets. Les derniers touchent à l'influence du droit international sur les initiatives populaires, la politique de sécurité de la Suisse en collaboration avec l'Europe ou le lien entre économie extérieure et droits de l'homme. Toutes les publications ainsi que les dates des prochaines rencontres régionales sont disponibles sur www.foraus.ch.