Tu l'as certainement remarqué, cette vague qui déferle depuis quelques années: télévision, séries, films, amateurs, professionnels… tout le monde s'y intéresse et rêve déjà de Las Vegas. Fini l'époque du poker comme jeu privé et secret, oubliés les caves sombres, les cigares, les parties clandestines et l'argent sale. Aujourd'hui le poker a ses stars, ses têtes d'affiches, et est même considéré comme un sport. C'est également la variante du poker traditionnel à cinq cartes, le «texas Hold'em» - se jouant lui à deux cartes par joueur et cinq cartes sur la table - qui a accru la popularité du jeu, car plus ouverte et propice à
la stratégie.
Le poker est-il un jeu de hasard ou d'habileté? Cette question fait l'objet de nombreuses théories dont les enjeux ne sont pas des moindres. La loi suisse le classe résolument dans la catégorie des jeux de hasard et interdit de ce fait l'organisation de tournois publics. Certains experts estiment quant à eux qu'il s'agit bel et bien d'un jeu de stratégie. Et de nombreux détails leursdonnent raison. Le poker est un petit monde: bien que potentiellement accessible à tous, les «grands joueurs» ne se renouvellent pas beaucoup.
Ces dernières années, avec l'essor du phénomène, ce petit monde s'est cependant agrandi. on ne compte plus les illustres inconnus qui ont acquis une notoriété fulgurante grâce à des qualifications gagnées sur internet, pour remporter ensuite des tournois aux côtés des plus grands noms du poker. Parmi eux, des trentenaires, des experts comptables, des patrons d'entreprises, et… des étudiants.
De façon plus globale, l'univers du poker est encore essentiellement masculin, bien que depuis quelques années il intéresse tout le monde, quel que soit l'âge, le revenu ou le niveau de formation. Sur le circuit professionnel, c'est une majorité d'hommes entre 20 et 60 ans environ qui dominent les tournois majeurs. Entre amateurs, les cercles d'amis rassemblent femmes et hommes de tous âges.
Ce jeu qui ne cesse de faire des émules nous vient des Etats-Unis. Après avoir conquis l'Europe, la Suisse n'est pas en reste. Malheureusement, la plupart des cantons interdisent la pratique du poker hors casino. Seuls sont autorisés les tournois familiaux ou entre amis, impliquant des sommes financières dérisoires ou nulles. Pour ceux qui rêvent des pactoles que l'on peut voir passer d'une main à l'autre sur les chaînes de télévision dédiées au poker, direction le casino, où les gains sont imposés à près de 50%.
Sur internet, le poker suisse s'est joliment développé, comme sur le site officiel de la Ligue Suisse de Poker, créé par un Neuchâtelois, qui compte plusieurs milliers de joueurs réguliers. Mais là aussi, le site annonce d'emblée que les tournois «se déroulent exclusivement sur internet via un logiciel gratuit de poker en ligne. Ces tournois sans mises (argent) sont donc en parfaite adéquation avec la loi suisse.» il existe tout de même des sites qui permettent de jouer de l'argent, car ils sont basés à l'étranger et échappent à la législation helvétique.
La «pokermania» est portée en grande partie par la télévision. Pratiquement absent du petit écran il y a quelques années, le poker a désormais sa place dans les programmes télévisés, voire même a droit à des chaînes entièrement dédiées. C'est le cas notamment de Poker Channel, qui diffuse en continu des tournois aux quatre coins du globe, ou encore de Canal Plus, rtL9 et Eurosport, qui retransmettent les grands tournois. En Suisse, la tSr a surfé sur la vague en créant la première série fiction européenne dédiée au poker, intitulée 10 et diffusée en automne 2010 (lire l'interview de Christophe Marzal, directeur de production et scénariste, dans etumag 043).
Le phénomène semble particulièrement captiver les jeunes, et notamment les étudiants. Mais l'état de la législation suisse ne leur permet pas réellement de faire du poker une activité rémunératrice. Les étudiants ne fréquentent pas beaucoup les casinos, car les mises et les sommes jouées ne correspondent pas à leurs revenus. Sur internet, il faut bénéficier d'une carte de crédit et être sur de son talent… Quant aux parties entre amis, il est bien connu qu'il n'est pas très agréable de «rafler de l'argent à un copain».
Hormis les tournois organisés légalement par des tenanciers patentés, gagner gros reste difficile, d'autant plus que les tournois suisses rapportent de petites primes, en comparaison des sommes qui sont offertes aux Etats-Unis. Le plus intéressant pour un joueur amateur, motivé et possédant une certaine habileté, consiste à gagner une place pour un tournoi majeur. Ces places, qui normalement coûtent très cher (plusieurs milliers de dollars), sont souvent offertes en gain par des sites de poker qui sponsorisent ainsi de très bons joueurs en ligne pour participer à un tournoi «réel».
Du jour au lendemain, tout le monde s'est pris de passion pour le poker. Les étudiants cultivent-ils la tendance, et si oui, pourquoi? Tour d'horizon succint.
Gillian, 23 ans, étudiant en sciences économiques, avoue avoir cédé: «Je jouais déjà avant que ça ne devienne très populaire, mais j'ai commencé à pratiquer plus souvent, à retrouver des amis vraiment pour cette activité là…» il estime que l'attrait de ce jeu tient à «son côté très stratégique, la grande concentration et le plaisir de tromper l'adversaire. Chaque partie est différente, ça n'est jamais lassant.»
simon, 23 ans, étudiant en lettres, n'a pas particulièrement cédé à ce qu'il estime être «une mode, comme bien d'autres phénomènes.» il a néanmoins appris à jouer et «apprécie le côté stratégique du jeu, bien qu'il faille de la chance aussi.» L'attrait du poker est, selon lui, «dans l'attitude des joueurs… il y a quelque chose de très western, très sérieux et cool, ça séduit.»
Delphine, 19 ans, étudiante en droit, est enthousiaste: «J'ai appris à jouer un été, pendant un séjour linguistique. tout le monde y jouait et il y avait vraiment de l'engouement autour de ça!» Elle pense que «le poker est un peu un jeu de légende, des films ont contribué à le populariser, comme Casino royale par exemple…»
Mathieu, 21 ans, étudiant en lettres, joue régulièrement depuis quelques années: «on est une équipe de plusieurs amis qui adorent ça, et on a souvent l'occasion de se retrouver pour des parties… on ne joue pas beaucoup d'argent, juste un peu pour garantir le sérieux des joueurs.» Pour lui, ce qui rend le poker séduisant, «c'est le côté un peu illégal, l'atmosphère privée et sérieuse… Pendant une manche, on est vraiment dedans. Après on peut rire, mais pendant le jeu, on doit rester impassible, calculer, faire des choix décisifs…»
Mélanie, 20 ans, étudiante en biologie, n'a que très peu joué. «J'ai eu conscience du phénomène autour du poker, notamment à la télévision, mais je n'ai pas vraiment eu l'occasion d'adhérer! J'ai peut-être joué une ou deux fois et je ne suis même pas certaine de connaître encore les règles…» L'attrait du poker, «c'est que les règles de base s'apprennent très vite, puis ensuite on découvre petit à petit la complexité du jeu, ce qui fait un bon joueur ou un mauvais joueur…» Si tu n'as pas encore succombé à la fièvre du poker et que ce jeu reste un mystère pour toi, il existe sur internet beaucoup de sites dédiés à l'apprentissage et à la pratique. Un dicton, parmi les amateurs, dit qu'il «faut cinq minutes pour mémoriser les règles, et une vie entière pour maîtriser vraiment le jeu.»