Actuellement, beaucoup de cours sur l'interculturalité fleurissent au sein des unis et hautes écoles. Les échanges quant à eux sont presque devenus monnaie courante. Le titre du cours où je me suis inscrite l'été dernier parle de lui-même : « voyage interculturel ». Le but de ce voyage et l'une des raisons pour lesquelles je suis partie, c'est la possibilité de découvrir une autre culture. Le fait d'aller à la rencontre du pays et de ses habitants, d'observer, d'écouter et d'apprendre, permet sans aucun doute de prendre du recul par rapport à soi-même. Porter un regard critique sur soi est d'ailleurs une attitude encouragée dans l'enseignement. Préparatifs Le travail de préparation avant le voyage a surtout permis de constituer et de souder une équipe. Nous pensions également y apprendre ce qu'il allait se passer quand nous serions sur place, mais nous avons vite compris qu'il était impossible de saisir l'esprit du Burkina Faso par les écrits ou les récits : il faut se contenter de l'imaginer en attendant d'y poser les pieds. Sur les dix jours de séjour, sept sont consacrés aux rencontres avec la direction et les enseignants de l'école bilingue de l'Organisation Suisse d'Entraide Ouvrière (OSEO), où nous sommes en stage par groupes de deux ou trois étudiants, et avec la population.
Changements Après ces quelques éclairages, venons-en au vif du sujet. Avec deux jours de retard, nous atterrissons enfin dans la chaleur de Ouagadougou, Ouaga pour les intimes (et surtout car c'est plus court). Ce qui frappe instantanément, pour nous autres Européens, ce sont ces routes en terre battue et cette impression d'avoir fait un bond en arrière dans le temps. En ouvrant les yeux sur la capitale, le lendemain, depuis le bâtiment de l'OSEO qui la surplombe, on se dit que selon nos critères, la « ville » ressemble en fait à un village. Pas le temps de s'habituer à ce nouveau lieu ne serait-ce qu'une journée, car nos cars respectifs attendent pour nous conduire vers les lieux de stages. Je pars à Cinkansé, à presque 400 km de Ouagadougou, en compagnie de deux amies. C'est durant ce long trajet que nous apprécions pour la première fois la chaleur du soleil tout comme la chaleur humaine des Burkinabés. A l'arrivée, excepté les kilomètres de brousse à moto (on se croirait au Paris Dakar) pour rejoindre l'école en pleine nuit et avec six sacs conséquents, le choc des cultures n'a vraiment eu lieu que le lendemain, à la lueur du jour. En effet, il n'y avait pas l'électricité et nous n'avions donc pas vu distinctement les alentours de la maison où nous logions, ni même les enseignants qui nous ont accueillis. Quand nous avons finalement pu voir le village où se trouvait l'école, la surprise fut de taille ! Nous imaginions être dans un lieu peuplé de 4'000 habitants mais certainement pas que ceux-ci étaient en fait répartis dans la brousse sur plusieurs kilomètres au lieu d'être rassemblés en un village. Le paysage presque désertique et un lever de soleil venant agrémenter cette découverte, nous nous sommes réellement sentis sur une autre planète, à des milliers de kilomètres de notre vie habituelle.
Accueil et visites
Les premiers jours se déroulent à un rythme relativement calme, animés par différentes visites aux autorités, au chef du village et dans les écoles de la région. Ce que je trouve appréciable, c'est qu'il existe encore dans les campagnes la politesse d'aller s'entretenir avec les personnes importantes de la région, pour leur marquer du respect. L'accueil qui nous est réservé tout au long de notre séjour est difficile à décrire avec des mots. Les parents d'élèves se déplacent de loin pour venir nous rencontrer et les enseignants font tout leur possible pour que nous soyons à l'aise. Seule la basse-cour s'est arrangée pour nous mener la vie dure à partir de 5h du matin…
École bilingue
Mais pendant ces diverses virées, ce qui en surprendrait plus d'un, c'est que ce sont les enseignants de l'école où nous sommes en stage qui nous accompagnent. Que font les élèves pendant ce temps, me demanderez-vous ? Eh bien, les enseignants nous apprennent que lorsqu'ils s'absentent, les élèves sont autonomes. Ils révisent et étudient leurs leçons sous la direction d'un chef de classe. Drôle de méthode pour nous autres futures enseignants, qui devons toujours avoir nos élèves à l'oeil…
Les écoles où nous sommes ne sont pas comme les autres. En effet, l'organisation qui nous envoie, l'OSEO, développe un modèle scolaire d'éducation bilingue qui combine le français, langue officielle, et les langues nationales. Cela est un avantage aussi bien pour les enfants que pour les relations entre l'école et les parents. Effectivement, en première et deuxième année les cours se font presque exclusivement en bissa (langue de la province). Ainsi, les enfants apprennent dans une langue qu'ils maîtrisent, contrairement au français. Nous essayons tant bien que mal de suivre les cours avec eux et les faisons forcément bien rire lorsque nous nous lançons dans la prononciation d'un mot en bissa.
Concernant l'ambiance, je défie quiconque de s'endormir dans une classe burkinabée. Une fraction de seconde après une question de la part de l'enseignant et les 40 élèves (petite classe en comparaison des 130 de l'école voisine) sans exception lèvent la main en... claquant des doigts ! Sans oublier de taper en coeur sur leurs tables si l'un d'eux répond faux. Les maîtres mots dans une classe sont « discipline » et « motivation ».
Apprendre des autres
Quel que soit le lieu de stage où nous sommes partis, j'estime ne pas me tromper en affirmant que nous retiendrons tous le sens de l'accueil des Burkinabés. Cela s'est ressenti en brousse tout comme à Ouagadougou, contrairement à ce qu'on pourrait penser. C'est en premier sur ce point que nous devrions prendre exemple, car la Suisse a à apprendre du Burkina Faso tout autant que l'inverse. En effet, le but de ces échanges Nord-Sud n'est pas d'amener un savoir dans un pays moins développé, mais bien d'échanger autour de questions importantes, de travailler ensemble afin d'atteindre un but commun et de s'inspirer les uns des autres. Sur le point de l'enseignement, il est clair que les écoles manquent de matériel et que chaque élève n'est pas logé à la même enseigne. Il est possible de voir des classes de 30 élèves comme il en existe avec 100 de plus. Avec nos effectifs tournant autour de la vingtaine d'élèves, cela ressemblerait presque à du « sous emploi » (dixit un enseignant burkinabé). A mes yeux, nous n'avons donc pas de quoi nous plaindre, tant bien même une classe de 25 élèves n'est pas simple à gérer.
Même si ce voyage n'a duré que deux semaines, je suis maintenant persuadée que l'on ne peut comprendre l'esprit d'une région qu'en s'y rendant, et ce particulièrement pour un pays d'Afrique tel que le Burkina Faso, qui reste très éloigné de notre culture et où les croyances traditionnelles sont encore très ancrées. Là, les mots ne suffisent pas à traduire les sensations ressenties lors de notre arrivée à Ouaga, de nos rencontres avec la population ou des cérémonies traditionnelles.
Pour conclure, je ne peux que conseiller aux personnes intéressées de se rendre au Burkina Faso pour pouvoir se détacher de nos croyances et aller à la rencontre d'une pensée différente de la nôtre.