Mars 2003: le défi suisse Alinghi remporte la Coupe de l'America, et des milliers de Suisses se découvrent une passion pour la voile... Derrière ce succès technologique et populaire obtenu par l'équipe d'Ernesto Bertarelli, se cachent les efforts de plusieurs étudiants de l'EPFL.
Depuis le début
La coopération part d'un constat simple: les bateaux qui désirent concourir à la Coupe de l'America doivent répondre à d'innombrables critères de construction, compilés dans un règlement d'une trentaine de pages. Et dans le milieu de la voile, la moindre petite innovation permettant de gagner de la vitesse est primordiale. C'est là qu'intervient l'EPFL. «Une grande confiance existait déjà entre Décision (le chantier naval qui a construit les bateaux Alinghi) et le LTC (Laboratoire de Technologie des Composites et Polymères de l'EPFL) après plus de 15 années de collaboration. Il était donc tout naturel de continuer l'expérience lorsque la construction du premier voilier a été planifiée en 2000» explique le Prof. Jan-Anders Manson, vice-Président pour l'innovation et la valorisation au sein de l'Ecole polytechnique. «Lors des premiers contacts avec Monsieur Bertarelli, il a été tout aussi naturel de proposer l'expertise d'autres laboratoires de l'EPFL pour couvrir différents aspects technologiques» développe le Prof. Manson. Aujourd'hui, l'effort de l'EPFL se concentre essentiellement sur six chantiers, mobilisant plus de 40 étudiants, professeurs et assistants dans les matériaux composites, l'informatisation de la visualisation des mouvements de la voile, la dynamique des fluides, l'insertion de fibres optiques dans la structure du bateau, l'optimisation des trajectoires et dans les tests hydrodynamiques en bassins. Mais l'EPFL n'est pas seule dans cette aventure: «Nous avons le statut de conseiller scientifique pour le défi Alinghi, mais nous travaillons étroitement avec d'autres écoles pour assurer l'accès aux connaissances nécessaires. Notamment l'EIVD, qui développe des solutions d'essais non destructifs», tient à préciser le Prof. Manson.
Gagnant-gagnant
Tous les travaux de recherche entrepris par les étudiants ne connaîtront pas une application directe pour les bateaux d'Alinghi. Mais ce projet s'inscrit dans le cadre d'une politique claire de l'Ecole, comme l'explique Jan-Anders Manson: «C'est une chance unique pour favoriser le travail multidisciplinaire, ce qui permet de dynamiser la recherche, de motiver les chercheurs et les étudiants impliqués et de valider les technologies développées par les différents laboratoires.» «Nous ne sommes qu'un morceau du puzzle», explique de son côté Pascal Vuillomenet, l'assistant du Prof. Manson. «Nous ne fabriquons pas de bateau, mais nous essayons d'améliorer les choses, là où nos compétences sont complémentaires à celles de Décision et Alinghi. Et nous y gagnons tous, car cela représente une vitrine fantastique pour la recherche (la Coupe de l'America est un des événements sportifs les plus médiatisés au monde), et une valeur ajoutée pour le défi suisse.» Étudiant genevois en troisième année de génie des matériaux, Victor Martin (photo) a ainsi eu la chance de voir les résultats de son travail de semestre impliqués dans la réalisation des nouveaux bateaux. «C'est arrivé par une suite de hasards. Je voulais faire un travail de semestre en rapport avec ma passion qu'est la voile, mais je ne pensais pas que ma recherche serait utilisée pour Alinghi! C'est très gratifiant, même si ce n'est pas ce que l'on a en tête au moment du travail...»
Ca colle ou ça casse
Au cours de sa recherche portant sur l'adhésion entre le titane et le composite carbone-epoxy (deux composants essentiels de la coque des voiliers), Victor a ainsi pu bénéficier du support de son superviseur qui faisait le lien avec le chantier Décision et l'équipe d'Alinghi, lui permettant de rester focalisé sur son travail. Une fois ce dernier terminé, une autre surprise attendait Victor: «J'ai été recontacté par Alinghi, qui cherchait un étudiant pour venir compiler des données à leur siège de Valence. C'est une sacrée expérience, qui me permet de travailler avec des gens vraiment passionnants, et ce qui se fait de mieux dans le domaine. Le seul problème, c'est que la Coupe de l'America tombe au beau milieu de mes examens de Master (juin-juillet 2007)!»