Professeur Rapp, comment se porte l'Université de Lausanne?
Elle se porte très bien. Nous constatons une augmentation régulière du nombre d'étudiants, malgré les nombreuses restructurations qu'elle a opérées: en effet, vous savez que l'Université de Lausanne a transféré les sciences de base à l'EPFL et regroupé sa section de pharmacie avec l'école de Pharmacie de Genève. Je n'ai pas beaucoup d'exemples équivalents en Europe de restructurations aussi importantes. Des opérations complexes, avec un certain nombre de craintes au départ, le transfert des étudiants de pharmacie ayant fait l'objet d'une demande de référendum, mais tout s'est finalement très bien passé.
Est-ce que ces modifications sont terminées?
Oui, et nous n'avons par ailleurs pas l'intention de menacer les disciplines que l'on appelle à tort les «petites» disciplines...
Quelle est la position stratégique de votre université?
Lausanne se trouve dans le secteur intermédiaire entre les universités qui veulent couvrir l'ensemble du domaine des savoirs, comme Zurich ou Genève, et des universités dites «à niche», comme Saint-Gall ou Lucerne. Nous conservons toutefois l'universalité en ceci qu'il y a toujours des sciences exactes et naturelles à Lausanne, ainsi que des sciences humaines. Du point de vue scientifique, on peut dire que nous avons décidé de nous concentrer sur l'homme et le vivant dans son environnement naturel et social. Nous avons aussi une Faculté de Droit et des Sciences criminelles, qui regroupe la police scientifique et les sciences forensiques au sein d'une école unique en son genre en Suisse, et reconnue à l'échelle internationale.
Est-ce que les rankings sont un élément important pour définir une position stratégique?
En ce qui concerne les rankings internationaux, je dirais que le grand danger réside dans ce que l'on appelle le biais culturel: dans de nombreux domaines en sciences humaines, les chercheurs et les enseignants sont très liés à leurenvironnement national, ils sont par conséquent très peu au courant de ce qui se passe dans d'autres pays. Du coup ces classements ne sont à mon avis pas très significatifs. En revanche, ils ont confirmé une lacune en ce qui concerne l'encadrement dans les sciences humaines et sociales. Globalement, le jugement des étudiants à ce sujet est beaucoup plus négatif en Suisse comparativement à ce qui se passe en Autriche et en Allemagne. Mais ce problème commence à être pris en compte dans notre pays, et devra l'être encore plus.
Comment vous imaginez-vous l'étudiant lausannois classique?
La réalité estudiantine n'est plus celle que je vivais quand j'étais étudiant, les chiffres de l'OFS sont assez clairs à ce sujet. L'image classique de l'étudiant qui a du temps pour se consacrer uniquement à ses études est révolue... En ce qui me concerne j'ai une image très positive de l'étudiant type. Je crois que nos étudiants sont motivés: il ne faut pas perdre de vue que comparativement au reste de l'Europe, le nombre de jeunes qui vont à l'université est faible, donc on est très loin du phénomène des universités de masses comme on le constate en France ou en Italie. Il y a encore une large marge.
Que vous inspire la déclaration de Charles Kleiber quand il dit craindre que Bologne rende la tâche encore plus difficile pour les étudiants, en leur laissant moins de temps pour travailler à côté de leurs études?
Je ne pense pas que l'on doive nécessairement lier ça à aux accords de Bologne. L'organisation peut certes mettre plus de pression sur les études avec le nouveau système. Mais si l'on considère une des bases de Bologne, qui est l'acquisition des crédits, on devrait avoir là le moyen de faciliter la tâche des étudiants qui ne sont pas à 100% sur leurs études. Je ne pense pas que l'on a utilisé ce système dans toutes ses conséquences.
Vous allez remettre votre poste au mois de septembre. N'êtes-vous pas frustré d'arrêter alors que l'on commence à voir la fin du tunnel de Bologne?
Non, pas du tout. Je me considère comme un coureur de relais prêt à passer le témoin, et je suis persuadé que le prochain coureur pourra aller plus loin, et plus vite !
Pour la petite histoire, où en eston avec le débat sur les nouveaux noms des bâtiments de Dorigny?
Vous savez, nous avions envoyé 12'000 mails pour demander des suggestions aux membres de la communauté de l'UNIL. Nous avions obtenu un taux de réponse de 0.8% ! Mais nous avons laissé la porte ouverte pour un des noms, et nous attendons de nouvelles suggestions. Actuellement je n'ai pas encore reçu de proposition officielle pour le bâtiment qui pose problème...
Avez-vous un message pour les étudiants de l'Université de Lausanne?
Je souhaite que les étudiants aient du plaisir dans leurs études, et je leur souhaite plein succès.
Quant aux étudiants qui n'ont pas choisi Lausanne?
Je ne vois pas les universités comme des concurrentes, on est un si petit pays... Je leur souhaite exactement le même succès !