S’il n’existe pas de réelles infrastructures pour faire son travail de mémoire dans une université étrangère, il y a toutefois les programmes d’échanges du type Erasmus qui permettent de s’exiler pour un semestre (temps maximal, au niveau du Master, dans la plupart des universités suisses), durant lequel certains étudiants rédigent une partie ou la totalité de leur dossier. La plupart des jeunes en formation profitent de ces accords pour créditer des cours. Faire son travail de maîtrise est plus rare. C’est qu’il faut pouvoir justifier l’intérêt d’un voyage pour son sujet, comme l’a fait Sophie, ancienne étudiante en français moderne: «Quand je suis partie, il ne me restait que le mémoire et quelques examens. Je voulais apprendre l’italien ou l’anglais et me suis donc informée sur les possibilités d’échanges. Il existait un accord entre l’Université de Venise et celle de Genève. Je me suis donc inscrite pour suivre des cours d’italien, pour lesquels ma haute école m’a octroyé une petite bourse. Les professeurs de français m’ont vivement encouragée à partir, comme je m’intéressais au cinéma italien. Si je n’ai pas rédigé mon mémoire sur place, j’ai par contre préparé le terrain. Apprendre quelques notions de cette langue m’a été utile par la suite. J’ai pu aussi visiter certaines villes et me rendre à des expositions en lien avec mon projet de recherche».
Dans certaines facultés, un stage en entreprise peut servir de base pour la rédaction du mémoire. Il est intéressant de profiter de cette opportunité pour trouver un stage ailleurs: être sur le terrain offre de nouvelles perspectives. Le plus difficile, selon Lorenzo, étudiant en Master HEC, «a été de trouver un stage, mais grâce au réseau d’HEC Lausanne j’ai pu avoir accès à des offres intéressantes. Le reste n’est qu’administratif, les organismes spécialistes des délivrances de Visa facilitent beaucoup les choses». Matteo, également en HEC, ne regrette pas son choix: «La décision de rédiger mon mémoire à Shanghai est venue après que je trouve une opportunité de stage en Chine. Après avoir reçu la confirmation de l’entreprise, j’ai contacté mon professeur de stage qui est un expert de ce pays. Ensemble, nous avons discuté de la possibilité d’écrire mon mémoire sur un sujet en lien avec la Chine. Être sur le terrain m’a permis de mieux comprendre l’industrie du luxe en Chine (le sujet de mon mémoire) et de conduire d’intéressantes interviews avec des professionnels. Je trouve que les étudiants sont généralement trop statiques. Ils devraient faire l’incroyable expérience de vivre et travailler à l’étranger pour un moment, afin de mieux comprendre et d’apprécier des cultures complètement différentes. En plus, cela permet d’évoluer personnellement et professionnellement.»
Compte tenu des accords limités et des complications administratives, il est parfois plus judicieux de se désimmatriculer de son université et d’intégrer une haute école étrangère comme élève régulier. C’est ce qu’a fait Sarah, étudiante en identité culturelle à St Andrews: «Le programme d’identité culturelle, en Écosse, me convenait mieux que ce que je faisais en lettres modernes. Je n’ai pas eu de difficultés pour intégrer ce Master, après qu’ils aient vérifié que j’avais le niveau. Au Royaume- Uni, j’ai l’impression que c’est plus simple de postuler pour un Master qu’un Bachelor: il y a moins de compétitions et, à ce niveau, c’est plus facile de trouver des points d’intérêts académiques». Mais si tu optes pour cette solution, attention aux taxes universitaires qui, dans certains établissements de formation, sont très onéreuses.
Techniquement, que ton mémoire ait été rédigé sous les néons de la bibliothèque ou le soleil d’une plage mexicaine ne regarde personne. Sans passer par les infrastructures de l’université, certains étudiants partent par leurs propres moyens. Cela se justifie, par exemple, si du matériel utile à la recherche à effectuer se trouvent à l’étranger ou si l’on a une opportunité de stage, comme Sacha, étudiant HEC: «Rien ne me convenait dans les programmes proposés par l’Université, j’ai donc cherché et trouvé un stage dans une entreprise automobile. C’était un stage libre, je ne l’ai pas fait créditer. Officiellement, j’étais toujours immatriculé à l’Université de Lausanne et rédigeais une thèse académique qui n’avait aucun rapport avec mon stage. Je m’étais arrangé avec mon professeur qui venait de Paris et avec qui j’aurais de toute façon dû communiquer par e-mail. Nous avons eu très peu de contacts et j’ai quasiment rédigé mon mémoire seul. Mis à part pour les démarches administratives, on ne peut pas dire que j’aie bénéficié du même soutien que si j’avais été accompagné par un professeur vivant à Lausanne.»
Partir à l’étranger dans l’unique but de rédiger un mémoire semble être une voie encore peu prisée à cause des complications administratives et des contraintes académiques. Les étudiants, réellement motivés, y parviennent par des chemins détournés. Paradoxalement, l’effort d’uniformisation européenne accompli par la Réforme de Bologne fait nettement ressortir les besoins et les envies particulières des étudiants et montre plus que jamais que chaque parcours académique est individuel et singulier.