Pourriez-vous faire une courte description du domaine des sciences de l'ingénieur-e?
Ce domaine regroupe les écoles-sites d'ingénieurs des cantons francophones, avec plus de 3'200 étudiants répartis dans 18 filières de formation bachelor. C'est le domaine qui propose la plus large palette de métiers. La technologie est tellement présente dans nos gestes quotidiens ! Si les domaines plus traditionnels de l'ingénierie sont plutôt liés à des produits industriels, tout un pan du travail des ingénieurs se situe aujourd'hui dans le secteur des services.
Quelles sont les spécificités des 4 pôles qui constituent votre domaine?
On peut y voir d'une certaine manière l'histoire des technologies. Parlons tout d'abord des technologies industrielles. Leur histoire couvre l'horlogerie, l'industrie ferroviaire et métallurgique, la mécanique puis l'électricité. Les interactions entre disciplines induisent de nouveaux métiers. La robotique, l'automatique, les microtechniques font appel à des compétences pluridisciplinaires ; de même pour le nouveau profil d'ingénieur designer pour qui l'ergonomie par exemple revêt une grande importance.
Le pôle des technologies de l'information et de la communication réunit des technologies plus récentes, à savoir l'informatique et les télécoms... avec la naissance de nouveaux métiers comme l'ingénieur des médias, qui est un ingénieur d'interface.
Au sein du pôle construction et environnement, c'est l'histoire des projets urbains, de la gestion et l'aménagement du territoire. La géomatique est venue compléter l'architecture et le génie civil, secteurs traditionnels mais qui ont beaucoup évolué, grâce notamment à l'informatique et à de nouvelles technologies de mesure permettant l'acquisition et la gestion de géodonnées.
Enfin, de l'industrie chimique à l'oenologie, en passant par les technologies du vivant et l'agronomie, le pôle de la chimie et des sciences de la vie couvre également un secteur technologique de pointe.
Quel est le profil de vos étudiants?
Pour devenir ingénieur, et c'est une richesse de la Suisse, il y a 2 voies possibles: une voie académique et une voie professionnelle.
La voie académique met sur le marché des ingénieurs dont les compétences professionnelles débouchant sur un métier ne sont acquises qu'à l'issue d'un cycle long : maturité gymnasiale, bachelor EPF et master EPF. La partie consacrée aux mathématiques et à la physique occupe une telle part des 3 années bachelor que les étudiants ne peuvent pas en plus acquérir des compétences professionnelles directement utilisables sur le marché du travail. Dans le contexte EPF, le bachelor est un titre de mobilité permettant de poursuivre la deuxième partie du cycle dans une autre institution. Quand au master, il est orienté vers l'acquisition de compétences scientifiques pointues. C'est légitime puisque les écoles polytechniques préparent des candidats pour un profil de doctorat.
La voie professionnelle comporte aussi trois étapes, mais il s'agit ici de trois paliers correspondant à trois métiers. A l'issue de la scolarité obligatoire, les jeunes préparent un CFC dans une école ou de façon duale en entreprise. Le CFC certifie des compétences techniques qui permettent d'être employé immédiatement. La maturité professionnelle est obligatoire pour poursuivre avec une formation bachelor HES.
On part ensuite du principe qu'une majorité des étudiants vont partir sur le marché de l'emploi à l'issue du bachelor HES. Cela influe sur la façon de construire nos programme : le bagage scientifique est passablement concentré sur la première année du bachelor. Très rapidement, on part dans des branches professionnelles.
Parmi les diplômés bachelor, certains verront leur goût de l'étude et leur ambition croître durant leur formation ou durant leurs premières années d'activité professionnelle. Il importe de cultiver et valoriser ce capital de matière grise en leur offrant une formation master adaptée à leur bagage préalable. Il est ainsi primordial que la HES-SO propose un master HES consécutif à ses propres formations bachelor.
Ces deux voies sont vraiment complémentaires et on arrive à l'expliquer assez simplement. La Suisse se donne ainsi les moyens de faire fructifier au mieux tous les neurones, quel que soit l'emballage ! Le manque d'ingénieurs est un souci de toute l'Europe : il y a vraiment une baisse sensible des jeunes qui s'engagent dans les formations de l'ingénierie. Et pourtant la technologie est tellement présente ! C'est comme si les jeunes ne réalisent pas l'importance, la nécessité de la maîtriser. Plusieurs freins sont identifiés, notamment au niveau du salaire. Les ingénieurs ne font pas partie des hautes classes salariales et n'atteignent pas les mêmes salaires que dans la branche de l'économie et des services par exemple. Un autre frein, c'est le souci de l'obsolescence des connaissances : ce sentiment d'une évolution technologique tellement rapide que ce qu'on apprend aujourd'hui ne nous permettra pas de survivre demain.
Sans ôter une responsabilité individuelle, je pense qu'il y a là une responsabilité collective qui doit s'installer dans le contexte de la mondialisation. La concurrence entre équipes de développement ne se fait jamais sans heurts. Il y a des laissés-pour-compte. Mais les gens se leurrent en pensant que cette problématique ne touche que les professions de l'ingénierie. Les entreprises savent très bien qu'elles ne sont plus en mesure d'assurer une carrière professionnelle de 35 ans à leur personnel. Est-ce que toute entreprise ne devrait pas avoir comme responsabilité d'assurer, de maintenir, l'employabilité de son personnel? Est-ce que la formation continue ne devrait pas être une obligation quasi légale pour les entreprises?
J'encourage aussi beaucoup les femmes à s'engager dans ces disciplines parce qu'elles sont sous-représentées et je leur dis souvent: «vous avez le souci de votre rôle social mais justement vous avez pleinement la possibilité de le réaliser dans l'ingénierie ! Et n'oubliez pas que vous utilisez la technologie tous les jours, tout comme les hommes. Construisons ensemble ce qu'on utilise ensemble!»
Comment gérez-vous l'organisation par site?
Au niveau structure, la transversalité est de facto assurée par la présence, dans le conseil de domaine, des directeurs de chacun des sites et d'un représentant de chacun des pôles. Les filières bachelor du domaine constituent le prolongement des formations ETS, puis HES, qui existaient dans les écoles d'ingénieurs avant la création de la HES-SO. Aucun des sites n'offre l'ensemble des filières bachelor, mais certaines filières se retrouvent sur plusieurs sites ; et dans ce cas les conditions d'admission sont strictement identiques et les écoles offrent, pour ces filières, des plans d'études coordonnés ; les écoles n'en conservent pas moins leur autonomie dans la mise en oeuvre de ces programmes.
En raison de l'évolution rapide des technologies, les objectifs de formation et les contenus sont mis à jour périodiquement. Ces réflexions sont menées au sein des quatre conseils de pôles qui réunissent les responsables de filières des différentes écoles.
La future formation Master of Science in engineering (MSE//HES-SO) est la première filière dont la direction est centralisée avec une offre de compétences émanant de l'ensemble des sites. Le haut niveau de dialogue et de transparence ainsi obtenu ne peut qu'être source d'importantes synergies au sein de la HES-SO.
Quelles sont les possibilités de mobilité avec les autres HES et à l'étranger? Des étudiants bachelor de la HES-SO pourront s'immatriculer pour une formation master dans une autre HES. Le MSE est un bon exemple de collaboration des 7 HES au niveau suisse puisque, pour un tiers de ce master, les modules ont été définis en commun. Chaque HES va collecter ses inscriptions et, en fonction des effectifs globaux, les cours théoriques seront donnés sur 1, 2 voire 3 sites entre Lausanne, Berne et Zürich. Il y a bien sûr également l'offre d'échanges Erasmus qui est proposée aux étudiants. Et de façon plus ponctuelle, le travail de bachelor qui peut être réalisé à l'étranger: il y a de multiples collaborations avec des institutions étrangères pour ce faire.
Quels sont les masters en préparation?
Il y a le Master of Science in Engineering et le Master of Science in Life Sciences. Il faut également mentionner le Master of Science en architecture dont les premiers diplômes ont été délivrés en septembre 07.