Des scientifiques de l'Université de Lausanne (UNIL) ont pu mettre en évidence une stratégie biologique de détection du danger propre aux mammifères. Effectuée au sein du groupe de recherche de Marie-Christine Broillet, au Département de pharmacologie et toxicologie de l'UNIL, l’étude démontre que les mammifères sont capables de détecter de manière olfactive des molécules volatiles émises par une source de danger.
On sait de longue date que les animaux ont cette incroyable capacité de pouvoir anticiper la venue d’un péril. Mais, ce que l'on ignorait jusqu'ici, c'est qu'ils utilisaient leur nez pour le flairer.
En 2008, la même équipe de recherche avait prouvé la présence, au bout du nez de souris, d'un groupe de neurones olfactifs (nommé «ganglion de Grueneberg») spécialisé dans la perception des «phéromones d'alarmes». Ces derniers sont émis par les rongeurs quand ils se trouvent face à un danger imminent, par exemple, en présence d'un prédateur. Lors de cette précédente étude, la structure chimique de ces phéromones d'alarmes n'avait pas pu être identifiée. C'est maintenant chose faite.
L'équipe de recherche a utilisé une panoplie de techniques chimiques et biologiques pour identifier, pour la première fois, une phéromone d'alarme chez un mammifère, la souris. Dans le détail, les chercheurs ont commencé par comparer l'odeur des rongeurs soumis à des stress environnementaux (conditions de danger), à celle des souris témoins (conditions contrôles) en utilisant des techniques d'analyses chimiques effectuées en collaboration avec le Centre universitaire romand de médecine légale (CURML). L'équipe a pu identifier chimiquement des molécules candidates pour le rôle de phéromones d'alarme. Ils ont identifié cette phéromone en basant leur stratégie sur le fait qu'une phéromone d'alarme devait à la fois activer les neurones du ganglion de Grueneberg et initier une augmentation des hormones de stress chez la souris.
Forts de cette première découverte, les chercheurs ont comparé cette phéromone avec les structures chimiques connues. L'équipe s'est très vite aperçue que cette phéromone d'alarme partageait des similarités structurelles avec des molécules olfactives présentes naturellement chez les prédateurs des petits mammifères, comme le renard ou l'hermine. Poussant leurs investigations plus loin, le groupe de recherche a pu également démontrer, par des techniques physiologiques et comportementales, que cet ensemble de molécules communicant le danger (venant d'un congénère ou d'un prédateur) était perçu, dans le nez, grâce au ganglion de Grueneberg et générait des réactions innées de protection contre le danger comme l'immobilisation afin de ne pas être repéré.
Cette étude semble donc mettre en évidence un phénomène que l'on croyait jusqu'ici réservé aux végétaux ou aux insectes, à savoir le «crypsis moléculaire». Cette stratégie olfactive permet de modifier sa propre odeur de façon à se camoufler du danger et de communiquer sa présence de manière altruiste à ses congénères.