Laure Perret: Ma passion pour la musique a toujours été le moteur de mes choix

Rencontre avec Laure Perret, nouvelle icône de la scène romande

Une voix délicate, tantôt mâtinée d’accents soul, folk ou jazzy. Des compositions sublimes, parfois éthérées, parfois drapées d’émotions brutes. C’est le cocktail ensorcelant distillé par «Tired But Happy», le premier opus de la jeune artiste fribourgeoise. Auréolée d’une notoriété nouvelle après sa prestation remarquée au Paléo Festival Nyon, Laure Perret s’est pliée aux questions d’etudiants.ch au détour d’un troquet suranné.

Laure, que représente ce baptême aux joutes paléoniennes?
C’était une étape charnière. On avait une grande pression sur les épaules; il s’agissait plus que jamais de ne pas se louper. Grâce à une grosse préparation en amont, on est arrivé assez confiant. Au final, les événements ont pris une bonne tournure. Il y avait du monde, de l’ambiance, et le concert s’est bien déroulé. C’était aussi l’occasion de croiser des gens influents dans le milieu. On a d’ailleurs arrêté beaucoup de dates après le Paléo. Le fait de jouer en marge dans l’espace presse, devant de nombreux journalistes et programmateurs, a aussi constitué un bon tremplin. Cette expérience a décuplé notre confiance en nous et on s’est investis avec encore plus d’énergie dans notre projet. Dans ces moments-là, les trois musiciens - Matthieu Chavaz, Paulo Wirz et Samuel Terrapon - sont très solidaires et viennent travailler avec moi.

Comment as-tu été repérée?
C’était lors d’un concert en duo aux Docks, peu après notre vernissage. On ne se doutait pas qu’on était venu nous observer et on a joué sans aucune pression. Il se trouve qu’une programmatrice du Paléo était dans la salle et qu’elle a été séduite... La personne qui s’occupe de nos dates connaît beaucoup de monde et a certainement aussi joué un rôle.

Ta musique trouve ses racines dans plusieurs univers musicaux...
C’est un mélange d’influences diverses. J’ai d’abord acquis un bagage classique en pratiquant très tôt le piano. C’est par ce biais que je travaille mes mélodies. Une fois que je mets la voix dessus, je me rapproche un peu plus des musiques qui m’ont toujours inspirée comme par exemple Joni Mitchell, Billie Holiday ou encore Ella Fitzgerald. Et puis il faut citer Tori Amos, parce que j’ai commencé en essayant de rejouer ses chansons pendant des heures et des heures.

Comment se déroule le processus de création?
J’ai débuté seule, sans vraiment ambitionner de monter sur scène. Un jour, j’ai pourtant été amenée à jouer devant un petit public. Au vu des bons échos, j’ai pensé à monter un groupe. Après six concerts en solo, j’ai trouvé les musiciens qui m’accompagnent encore aujourd’hui. Même s’ils viennent d’horizons musicaux et professionnels différents, tous se sont très bien entendus. A partir de là, je continue de travailler sur les chansons, les mélodies et les paroles. Ensuite, on se réunit avec les musiciens pour faire les arrangements. Ils sont très doués pour ça et c’est un véritable travail d’équipe. De nos sessions au local naissent une foison de bonnes idées.

Tu es aussi jeune diplômée de l’Uni de Fribourg...
Ca fait deux ans. J’ai un bachelor en histoire et musicologie qui me permet à ce stade d’avoir un pied dans la vie active. Pour réellement accéder aux débouchés spécifiques à ces domaines, il faudrait poursuivre avec un master. Maintenant, ce n’est pas possible de cumuler musique, études et travail. Il faut forcément en sacrifier un... Ceci dit, ma passion pour la musique a toujours été le moteur de mes choix. Au collège déjà, j’avais opté pour l’option spécifique musique. En marge j’ai aussi chanté dans des choeurs et suivi des études de piano. Au-delà des perspectives professionnelles, c’est cette passion qui m’a guidée vers la musicologie.

Les études alimentent-elles la création artistique?
Dans mon cas oui! Etudier la musicologie a été l’occasion de m’imprégner de l’histoire de la musique, des compositeurs et des courants. Qui plus est, notre professeur ne se limitait pas au carcan théorique et nous faisait écouter beaucoup de musique. De façon indirecte, ça inspire beaucoup. Parallèlement, il faut dire que la période universitaire - avec les horaires irréguliers, les plages de temps libre et le statut d’étudiant pas encore indépendant financièrement - offre une opportunité unique de s’adonner à une passion telle que la musique.

Quelle place va occuper la musique à l’avenir?
Certains morceaux datent de plus de trois ans. J’aimerais écrire de nouvelles chansons et si possible sortir un deuxième album. Cela passe par une mise entre parenthèse de la production sur scène pour se consacrer à la création. C’est vraiment une autre dynamique. Les concerts sont stressants; il faut toujours être en mouvement, se préparer, s’occuper des contingences logistiques et administratives. Du coup, j’ai besoin de prendre du recul et de m’accorder du temps pour faire de nouvelles choses. J’espère que d’ici une année nous pourrons remonter sur scène, si possible avec un album qui plaira [rire].

Est-ce envisageable d’en vivre?
C’est envisageable, mais je connais très peu de cas et je ne compte pas là-dessus. Si on peut entrer dans nos frais, voire même gagner un petit pécule, c’est déjà bien. Sur le nombre d’artistes, très peu s’en sortent financièrement. C’est difficile, et pas uniquement dans le paysage suisse, qui soit dit en passant se développe bien depuis quelques années.

Quel conseil donnerais-tu aux étudiants qui nourrissent, comme toi, une passion artistique?
Il faut absolument profiter des largesses du cursus. Les études représentent une période d’effervescence intellectuelle et sociale, un terrain idéal pour alimenter une passion! En plus, on dit que la musique stimule le cerveau...

Crédit photo: Sedrik Nemeth