Gonzague ou le challenge dans la peau

«Rendre possible l’impossible»

Gonzague est professeur de stratégie digitale à l’Université Paris-Dauphine et de management au Gabon. Sous cette casquette académique un brin sérieuse, se cache un personnage haut en couleur. En effet, le Français se plait à publier sur la toile ses productions facétieuses. Son idée? Relever des défis - tous plus farfelus les uns que les autres - proposés par ses fans et poster les vidéos de ses exploits sur le web. L’année passée, il a participé à la coupe du monde de ski avec un faux nom d’athlète mais un vrai maillot de l’équipe suisse de ski. Il s’est aussi fait passer pour un chippendale au salon érotique, «Eropolis», de la ville Lumière et s’est incrusté dans les coulisses du festival de Cannes en caméra cachée. Rencontre avec un homme caméléon qui a su tisser sa toile sur les réseaux sociaux.

D’où vous est venue l’idée de filmer vos exploits et de les poster sur Internet?

Avant, je travaillais à la télévision dans l’univers du divertissement. Le plus dur dans ce métier était de trouver des thèmes qui fassent rire. Après quelque temps, je me suis retrouvé à court d’idées. Je me suis alors tourné vers la communauté virtuelle afin qu’elle me soumette des propositions de sujets humoristiques. J’ai très vite été envahi par un flot de mails. C’est ainsi que l’aventure a commencé.

Concrètement, comment se déroulent les défis que vous mettez en scène?

Les challenges que je me lance se doivent d’être participatifs. Sur ma page Internet, j’annonce le contexte dans lequel je me trouve (mer, montagne, ville, campagne…) et mes followers me soumettent leurs idées de défis. La team technique et moi-même effectuons alors une première sélection en fonction du temps à disposition puis nous optons pour un défi. À noter que les Internautes participent aussi à l’élaboration du scénario. Il s’agit d’un travail d’équipe.

Pourquoi un tel besoin de se challenger tout le temps?

Rendre possible l’impossible me motive tout particulièrement. Le besoin de me mettre en danger, aussi, au sens figuré bien sûr! Je n’accepterai jamais un défi qui mette en péril ma vie ou celle des gens filmés. Se faire mal pour se faire mal, je ne vois pas l’intérêt.

L’aspect aléatoire me plaît aussi. Lorsqu’on se lance un challenge avec une caméra cachée, on ne sait jamais quelle tournure vont prendre les événements. Enfin, les rencontres que je fais demeurent un puissant stimulant. Plusieurs des personnes que j’ai piégées sont devenues de proches copains. Mon activité me permet de tisser des liens aux quatre coins du monde.

N’avez-vous jamais rencontré de réactions hostiles?

Sur les 300 défis tentés, j’ai été confronté à deux voire trois attitudes négatives. En règle générale, les gens filmés deviennent mes amis. Lorsque je leur annonce qu’il s’agit d’une caméra cachée, la stupeur passée, les individus réagissent très positivement. Le but n’est évidemment pas d’attenter à l’image de ces personnes. Si un homme pris au piège ne se présente pas sous son meilleur jour, je préfère ne pas diffuser la vidéo. J’ai voulu, par exemple, piéger une star américaine. Mais, au milieu du défi, la vedette me demande de la coke. Il va sans dire que je n’ai pas posté sur la toile ce challenge. Je vise à divertir et non à rabaisser les gens. Selon moi, ne pas outrepasser le cadre éthique fixé demeure très important.

Entre nous, n’avez-vous jamais eu affaire à la police?

J’ai eu quelques petits soucis mais tout s’est toujours très bien arrangé! En règle générale, à Paris, la police est plus ferme qu’en province. J’évite donc de me retrouver nez à nez aux forces de l’ordre parisiennes (rires!) Plus sérieusement, ça reste toujours bon enfant, les flics se marrent aussi. Après tout ce sont des gens comme vous et moi!

Quel est le défi dont vous êtes le plus fier?

À Thyon (VS), je me suis fait passer pour un cameraman de la télévision américaine. Le but était de piéger le dénommé «Tonton», un snowboarder connu de la région pour ses performances en saut. C’était un peu le caïd du snowpark! Je suis allé vers lui au moment où il devait effectuer un saut de plusieurs mètres. Mais je l’ai stoppé dans sa course en lui disant qu’il pouvait aller se rhabiller car je ne filmais que les meilleurs. Inutile de vous dire que «Tonton» l’a très mal pris mais lorsqu’il a appris qu’il s’agissait d’un canular, il a bien rigolé.

Quels sont vos projets?

Je souhaite m’investir dans de nouveaux formats web. L’idée est de créer des histoires drôles mettant en scène des personnalités connues mais avec un dialogue fictif. J’ai déjà réalisé une vidéo de ce genre sur Sarkozy et Hollande à l’occasion de la présidentielle de 2012. J’ambitionne de diffuser une nouvelle vidéo de ce type chaque mois. Mais cela prend du temps, tant du point de vue technique qu’au niveau de la recherche de sujets drôles et actuels.
Je désire aussi prendre le passeport à croix blanche (rires!) Boutade mise à part, j’adore la Suisse. La prétendue froideur des Helvètes relève du mythe. Pour ma part, je vous trouve très sympathiques et conviviaux. Pour moi qui suis habitué à la grisaille parisienne c’est une réelle bouffée d’oxygène de venir ici.

Un dernier conseil à faire passer aux étudiants?

Qu’ils profitent de cette période de liberté pour tenter de réaliser leur rêve car, une fois dans la vie active, on a tendance à «s’engluer» et à perdre de vue nos songes passés. Les jeunes en formation ne doivent pas non plus hésiter à réaliser des stages dans différents domaines afin de voir ce qui leur plait vraiment.